Raccords Sainte-Victoire de Sarah Keryna par Jean-Jacques Viton
Un tapis de jeu où sont inscrits les traversées, les raccourcis, les carrefours,
autant de pistes que devront emprunter ceux qui découvrent les accès au
massif de la Sainte-Victoire, une table d’orientation et de reconnaissance de
cet endroit vaste silencieux et vide dans lequel surgissent, en apparitions con-
trôlées, des personnages traditionnels venus d’autres espaces plus lointains
vers celui-ci étape ultime des longs voyages et des émigrations. Le père, la
mère, l’épouse, le frère, la grand’mére, la tante, le fils.
Dans ce livre tout se déplie en apparitions brèves et disparitions subites de
personnages qui animent des déplacements de paysages plaqués une fois pour
toutes et balisés par le tilleul de la maison d’enfance, devant la fenêtre et par
celui en face de la chambre et aussi « la route du tholonet », les lacets, les pins,
les platanes de Palette… Tous points précieux de vestiges ultimes volontaire-
ment rassemblés dans un ordre scrupuleux d’apparition disparition remplace-
ment. Evocations, citations permettant la remise en scène furtive d’éléments
familiaux soudés aux partages mémoriels sur lesquels planent l’évocation de
Cézanne, l’austérité du Mont Ventoux, la violence du mistral et les tilleuls de
la Sainte Victoire.
Sarah Kéryna a réussi là un travail remarquablement contrôlé tout entier
tourné sur un sujet peu disposé sans doute à accorder un examen aussi
précis de sa construction.