17 janv.
2011
A l'école des écrivains par Liliane Giraudon
Le 9 novembre 2010 un courrier de la Maison des Ecrivains et de la Littérature me confirme que je vais rencontrer une classe dans un collège de Marseille dans le cadre du projet « A l'école des écrivains. Des mots partagés ». Cette action menée en partenariat avec le ministère de l'Education Nationale est soutenue par la Caisse des Dépôts.
Un contrat est signé.
En ce qui me concerne je suis en effet convaincue de l'importance de la rencontre « Ecrivains-Milieu scolaire » et de ses enjeux pour la transmission de la lecture.
Un contact est pris avec le professeur chargé des élèves auprès desquels je dois intervenir. Il n'a pas eu le temps de lire La poétesse (éd. P.O.L) mais me dit que les élèves le liront durant les vacances de Noël. Je lui demande de me laisser les rencontrer avant de remettre le livre aux élèves, un livre de poésie contemporaine ne se lisant pas comme un roman (le collège retenu est sous le label « ambition réussite » et accueille pour la majorité des élèves issus de milieux défavorisés... Il se trouve que je connais ce type d'établissement y ayant enseigné prés de 30 ans... ). L'enseignant me rétorque que ses élèves « lisent » et que le livre leur sera distribué...
Nous convenons d'une première intervention dans le courant de la deuxième quinzaine de janvier.
Début décembre, coup de téléphone de Nathalie Lurton de la Maison des Ecrivains. Elle m'apprend que, sans avoir pris la peine de m'en informer, l'enseignant et le principal du collège ont contacté l'inspecteur responsable de l'action au ministère de l'Education nationale : le recueil « La poétesse » ne pouvait être mis entre les mains des élèves car dans la section centrale le poème « Kara Walker n'est pas Joséphine Baker » se trouvaient deux vers inadmissibles « les Blancs enculent/ce sont les Noires qui pondent ».
Je ne peux m'empêcher de sourire (la scène se passe dans la ville de Marseille où dans la rue les mots « putain » et « enculé » sont de véritables pastilles buccales circulant de bouches en bouches).
Le livre est rejeté. Sans discussion. (Pornographique ? en tous cas interdit aux adolescents).
Je précise qu'en 2009 ce même livre et dans le même cadre « A l'école des écrivains » a fait lëobjet d'une intervention au collège Louis Pasteur de Graulhet... à la satisfaction des élèves qui ont même produit un petit recueil, prolongeant l'acte de lire par celui d'écrire ...
A la question « que vont devenir les 30 exemplaires livrés au collège ? » il est répondu qu'ils seront distribués aux professeurs « volontaires »...
Je dois donc choisir parmi mes livres publiés un titre où il n'est pas question de... sexe...
Je suis consternée. Prête à jeter l'éponge...
Pertinente, Nathalie Lurton pense à Marseille postcards un ouvrage que j'ai cosigné avec Jean-Jacques Viton aux éditions « Le bleu du ciel ».
(Je frémis une seconde : si le nom de l'éditeur et le roman auquel il se réfère allaient incommoder les enseignants... si, intrigués, les élèves allaient ouvrir du Georges Bataille... se précipiter sur « L'érotisme » ou « L'anus solaire... »)...
Tout le mois de décembre je guette un courrier du collège (professeur ou principal) prenant la peine de m'informer de la nouvelle situation et de leur démarche.
Silence absolu.
Comme je m'apprêtais à reprendre contact avec l'enseignant responsable (lui proposant une intervention pour la 3em semaine de janvier et... un « dialogue »... ) un téléphone de la MEL m'apprend que le collège, passant outre ce qui a été proposé par celle-ci, a choisi de supprimer mes interventions pour retravailler pour la 3em année consécutive avec un romancier de leur choix (pourtant déjà engagé cette même année et par le même type de contrat dans un autre collège de l'académie)...
Je mets un certain temps à comprendre.
Quelle est la marge de manœuvre de La Maison des Ecrivains et de la Littérature dans cette affaire ?
Comment gère-t-elle son partenariat avec L'Education Nationale ? Quel type de littérature (et d'écrivain) l'Education Nationale souhaite-telle introduire dans ses classes ?
Décider en 2011 que des adolescents ne doivent pas être confrontés à un « vocabulaire sexuel » ça veut dire quoi ?...
Par delà cette péripétie, une question se pose : celle de nouvelles formes à peine déguisées de la censure pouvant être relayées par les institutions prétendument « protectrices »...
A toutes les Institutions Culturelles (Maisons, Centres nationaux ou internationaux... ), faut-il rappeler que « la littérature est une invention moderne, elle s'inscrit dans des conventions et des institutions qui, pour n'en retenir que ce trait, lui assurent en principe le droit de tout dire. La littérature lie ainsi son destin à une certaine non-censure, à l'espace de la liberté démocratique (liberté de la presse, liberté d'expression etc.... ) pas de démocratie sans littérature, pas de littérature sans démocratie... » (Jacques Derrida) ?
Ce soir, je vais au cinéma. Non loin de la Canebière... Aux Variétés... On y joue « Remue-ménage dans la sous-traitance », un documentaire d'Ivora Cusack.
Un contrat est signé.
En ce qui me concerne je suis en effet convaincue de l'importance de la rencontre « Ecrivains-Milieu scolaire » et de ses enjeux pour la transmission de la lecture.
Un contact est pris avec le professeur chargé des élèves auprès desquels je dois intervenir. Il n'a pas eu le temps de lire La poétesse (éd. P.O.L) mais me dit que les élèves le liront durant les vacances de Noël. Je lui demande de me laisser les rencontrer avant de remettre le livre aux élèves, un livre de poésie contemporaine ne se lisant pas comme un roman (le collège retenu est sous le label « ambition réussite » et accueille pour la majorité des élèves issus de milieux défavorisés... Il se trouve que je connais ce type d'établissement y ayant enseigné prés de 30 ans... ). L'enseignant me rétorque que ses élèves « lisent » et que le livre leur sera distribué...
Nous convenons d'une première intervention dans le courant de la deuxième quinzaine de janvier.
Début décembre, coup de téléphone de Nathalie Lurton de la Maison des Ecrivains. Elle m'apprend que, sans avoir pris la peine de m'en informer, l'enseignant et le principal du collège ont contacté l'inspecteur responsable de l'action au ministère de l'Education nationale : le recueil « La poétesse » ne pouvait être mis entre les mains des élèves car dans la section centrale le poème « Kara Walker n'est pas Joséphine Baker » se trouvaient deux vers inadmissibles « les Blancs enculent/ce sont les Noires qui pondent ».
Je ne peux m'empêcher de sourire (la scène se passe dans la ville de Marseille où dans la rue les mots « putain » et « enculé » sont de véritables pastilles buccales circulant de bouches en bouches).
Le livre est rejeté. Sans discussion. (Pornographique ? en tous cas interdit aux adolescents).
Je précise qu'en 2009 ce même livre et dans le même cadre « A l'école des écrivains » a fait lëobjet d'une intervention au collège Louis Pasteur de Graulhet... à la satisfaction des élèves qui ont même produit un petit recueil, prolongeant l'acte de lire par celui d'écrire ...
A la question « que vont devenir les 30 exemplaires livrés au collège ? » il est répondu qu'ils seront distribués aux professeurs « volontaires »...
Je dois donc choisir parmi mes livres publiés un titre où il n'est pas question de... sexe...
Je suis consternée. Prête à jeter l'éponge...
Pertinente, Nathalie Lurton pense à Marseille postcards un ouvrage que j'ai cosigné avec Jean-Jacques Viton aux éditions « Le bleu du ciel ».
(Je frémis une seconde : si le nom de l'éditeur et le roman auquel il se réfère allaient incommoder les enseignants... si, intrigués, les élèves allaient ouvrir du Georges Bataille... se précipiter sur « L'érotisme » ou « L'anus solaire... »)...
Tout le mois de décembre je guette un courrier du collège (professeur ou principal) prenant la peine de m'informer de la nouvelle situation et de leur démarche.
Silence absolu.
Comme je m'apprêtais à reprendre contact avec l'enseignant responsable (lui proposant une intervention pour la 3em semaine de janvier et... un « dialogue »... ) un téléphone de la MEL m'apprend que le collège, passant outre ce qui a été proposé par celle-ci, a choisi de supprimer mes interventions pour retravailler pour la 3em année consécutive avec un romancier de leur choix (pourtant déjà engagé cette même année et par le même type de contrat dans un autre collège de l'académie)...
Je mets un certain temps à comprendre.
Quelle est la marge de manœuvre de La Maison des Ecrivains et de la Littérature dans cette affaire ?
Comment gère-t-elle son partenariat avec L'Education Nationale ? Quel type de littérature (et d'écrivain) l'Education Nationale souhaite-telle introduire dans ses classes ?
Décider en 2011 que des adolescents ne doivent pas être confrontés à un « vocabulaire sexuel » ça veut dire quoi ?...
Par delà cette péripétie, une question se pose : celle de nouvelles formes à peine déguisées de la censure pouvant être relayées par les institutions prétendument « protectrices »...
A toutes les Institutions Culturelles (Maisons, Centres nationaux ou internationaux... ), faut-il rappeler que « la littérature est une invention moderne, elle s'inscrit dans des conventions et des institutions qui, pour n'en retenir que ce trait, lui assurent en principe le droit de tout dire. La littérature lie ainsi son destin à une certaine non-censure, à l'espace de la liberté démocratique (liberté de la presse, liberté d'expression etc.... ) pas de démocratie sans littérature, pas de littérature sans démocratie... » (Jacques Derrida) ?
Ce soir, je vais au cinéma. Non loin de la Canebière... Aux Variétés... On y joue « Remue-ménage dans la sous-traitance », un documentaire d'Ivora Cusack.