PBV, un témoignage par Jean-Marc Baillieu
Concernant PBV, cette année 2024 a été marquée par la parution du Lamenta des murs (coll. Poésie, éd. Flammarion) ultime volume du « cycle des Exils » qui a donné lieu à une « exposition » et à une performance au centre international de poésie Marseille (mai-septembre).
La parution du livre doit être saluée comme il se doit et elle le fut (cf. Sitaudis, Poezibao, Diacritik, L’Humanité, art press,…) même si l’achèvement du cycle (initié en 1985) a pu être mis en avant, salué comme une performance et à l’instar de l’achèvement par Nicolas Pesquès de La face nord de Juliau. Notons en passant que PBV et NP étaient deux des quatre poètes présentés dans la livraison de la revue faire part de 2009 intitulée Parcours singuliers (Feue Caroline Sagot Duvauroux et moi-même étant les deux autres). Aucun accident de vie n’est venu stopper net l’écriture en cours du Cycle des exils, abouti après quarante années d’une évolution maîtrisée mais non planifiée au départ, et d’autres ouvrages du même auteur ayant aussi paru par ailleurs.
Je connais PBV depuis le début des années 1980 quand il n’avait pas encore adjoint le toponyme Valdoye (tiré de son enfance en Territoire de Belfort) à son patronyme Beurard, quand il animait à Villeurbanne avec Catherine Loth (alors sa compagne) l’excellente revue hors-norme Cahiers de Leçons de Choses et les non moins remarquables éditions MEM/Arte Facts. Notre première rencontre date du premier Marché de la poésie qui se tint dans la cour de la Bibliothèque Nationale alors sise rue de Richelieu à Paris. Contemporains de naissance, nous nous lûmes mutuellement et nous rencontrâmes de temps à autre, mon activité professionnelle d’alors (1985-1990) m’amenant assez souvent à Lyon où PBV anima avec sérieux et brio des cycles de lectures à voix haute en public dont L’Ecrit-parade reste emblématique. Claude Ollier, Hubert Lucot, Robert Pinget, Franck Venaille sont des noms d’attrait commun dont il me plaît ici de saluer la mémoire, et je sais gré à PBV de m’avoir convié aux dîners qui suivirent leurs lectures respectives.
J’ai eu la chance et le plaisir de lire les livres de PBV au fil de leur parution, et je puis les relire car ils se relisent. Je pourrais même tenter une « verticale » ce qu’à l’instar de la dégustation successive des millésimes d’un même cru, j’ai nommé « verticale », c’est-à-dire relire à la suite et en un laps de temps donné les livres d’un auteur dont j’ai découvert les livres au fil de leur parution. Je l’ai jusqu’à présent peu fait pour des auteurs encore vivants dont l’œuvre n’est pas achevée. Evidemment, s’agissant du « Cycle » de PBV, j’ai pu m’y prêter et saillent alors des tenants et des aboutissants, des thèmes et des motifs, des finesses et des rudesses de style, des trouvailles et des partis pris, des êtres dont la multiplicité et la diversité ne vont pas à vau-l’eau car le capitaine tient la barre et sait où il va. PBV est un poète qui prend au sérieux ce qu’il crée (cf. ses rigoureux carnets de travail exposés à Marseille), d’où qu’il enquête, va sur le terrain, interviewe avant de malaxer sa matière et de la restituer en une langue qu’il souhaite asymptotique au réel (où la polis existe) qu’il a pu ou su débusquer, ce pourquoi le lectorat doit pour suivre parfois s’accrocher ou lire à voix haute (on insistera sur l’oralité de la poésie de PBV qui s’est toujours plu et a excellé à ce qu’il nomma un temps « récital » dans le sillage de G. Luca).
Quand j’avais à faire la recension critique d’un ouvrage de poésie, je l’examinais sous le triple aspect du sens, du son et du signe (aspect graphique) : les livres du Cycle de PBV répondent aux trois critères de fort belle manière et diversement, le Lamenta… en particulier (le livre le plus autobiographique du Cycle selon moi), aussi je ne saurais trop inviter le lectorat à aller y voir de plus près (quitte à relire, et à voix haute qui souvent révèle) après avoir lu l’indispensable quatrième de couverture, parfait contrepoint de la photo signée par l’auteur en couverture. Outre au corps du texte lui-même, PBV est toujours très attentif au paratexte, on ne saurait l’en blâmer. Je ne regrette en rien d’avoir (pour le Kanal magazine de Michel Giroud) salué à parution Allemandes, le premier livre (auto-édité en 1985) du cycle et d’avoir alors parlé de l’auteur comme d’un D’Artagnan. Et quant au titre, ce Lamenta des murs, je le rapprocherais volontiers d’un texte alors écrit par PB (sans V), commissaire artistique de l’exposition Tenter le diable sans peindre au mur, une installation de feu Raffaël Rheinsberg (Reims, 1985) qui en 1978 avait exposé à Kiel (RFA) sous le titre Koffermauer, Klagemauer (« Mur de valises, mur de lamentations ») alors dûment signalé par PB. Et le Livre 5 du Lamenta… (de PBV) reprend trois fois en sous-titres l’expression « Tenter le diable... » : une boucle peut-être, un cycle en tout cas.