16 juil.
2003
Anne-James Chaton a disparu dans le langage de tous par Charles Pennequin
Tout le monde PEUT en faire autant ?
Non : tout le monde en fait autant.
Tout le monde note, parle. Tout le monde est en train de prendre note de la parole. Nous sommes tous des résidus de nos actes. Notre vie est un concentré de paroles résiduelles. On voit bien chez Chaton comment les mots sont des échanges, des signaux, émission-réception, capteurs ultra-sensoriels. Que ces résidus de paroles sont des choses mortes alors que Chaton nous montre bien que c'est nous qui sommes morts. Et cette conscience vive de la mort nous est donnée ici par le poète, qui n'est pas le poète du rien, de l'in-signifiant, de la nullité, du vide ou que sais-je, mais le témoin de ce qui reste quand tout nous est repris, celui par qui vient l'épuisement. Et c'est de l'épuisement au présent, car son acte est des plus politiques qui soient 1.
Les chefs-d'œuvre du passé sont bons pour le passé : ils ne sont pas bons pour nous. Nous avons le droit de dire ce qui a été dit et même ce qui n'a pas été dit d'une façon qui nous appartienne, qui soit immédiate, directe, réponde aux façons de sentir actuelles, et que tout le monde comprendra. A.Artaud.
Tout a été dit mille fois chez Chaton. C'est l'homme dépourvu de parole. Sa langue on la trouve au fond d'un caddie ou sur le bord d'un comptoir. Rien ne lui appartient. On n'a pourtant jamais senti à ce point combien les mots sortent d'une grande poubelle. C'est un épuisement, certes, et pourtant ça se fait dans la poésie, dans le lieu qui, comme dit encore Artaud, s'épuise le moins vite, parce qu'elle admet l'action de ce qui se gesticule et se prononce, et qui ne se reproduit pas deux fois . De là, Chaton rejoint nombre de grands poètes, puisque sa tentative est à l'opposé de ceux qui attrapent la parole pour en faire un outil de pouvoir. J'affirme pour ma part qu'être poète c'est ne pas sortir sa carte du jeu, mais la remettre au tas avant de mélanger les cartes.
A Anne-James Chaton je déclare ceci : moins t'es là, mieux on s'porte ! .
Le poète s'oublie en publiant, se fait oublier par le plus grand nombre. La poésie d'AJC met les mains dans le cambouis. C'est la main à l'écrit qui fouille dans le sac (pardon pour ces jeux de mots !) les tickets de caisse, les cartes de crédits, papiers trouvés, lectures en tout genre. C'est l'œil aussi qui voit ça, comme un laser optique à code-barre. Un œil fou qui se déclencherait à chaque fois que passerait le moindre signe. C'est la conscience que notre vie est peuplée de choses mortes, que nous portons déjà dans nos poches la terre qui nous enseve-lira. Que nous sommes cernés par ces preuves dérisoires faites d'informations sommaires, communiqués en boucle, paroles élémentaires, bribes, calculs en tout genre. Tout est là, dans cette grammaire basique qui nous refait le portrait en deux temps trois mouvements (cf. son "auto-portrait" chez Al Dante avec DVD en prime), et nous assiste, nous accompagne dans un silence à faire peur.
Et il n'y a qu'un poète pour réactiver ça, qui puisse remettre « en piste » toute cette micro-comédie des temps moderne. AJC n'est pas pour autant le sonore des silencieux, puisque son poème dit à quel point le poète s'est tu, qu'il en a fini définitivement avec la citation, qu'il a enfin pris congé de l'Auteur. Chaton est LE poète d'aujourd'hui et il n'y a pas plus haut dans la rigueur que ce travail qui n'en finit pas de nous interroger.
Chère Nathalie, cher Joël, cher Christian, cher Bruno, cher Jean-Pierre, cher Valère, Pierre, Christophe, cher Christophe, Philippe, Philippe, Vincent, chère Kati, Josée, Suzanne, Valérie, Serge, cher Christophe, cher Manu, Jacques, Vanina, Antoine, Christophe, cher Jean-Michel, Jean-Marie, Jérôme, cher Jérôme, Olivier, Jean-Jacques, cher Charles et cher Lucien, Charles-Mézence, cher Julien et cher Bernard, cher Bernard, je vous le dis : vous êtes tous morts!
1 Et ce qui peut sembler paradoxal ne l'est pas lorsque l'on comprend que l'entreprise du poète n'est pas de construire des monuments, de collectionner, d'entrer dans ces manies humaines, ces maladies de la conservation. Face à l'idée de PATRIMOINE, le poète nous demande pourquoi nous voulons tant faire partie des hommes. Les textes de Chaton viennent affirmer que JE n'existe pas. Je n'ai entendu qu'un seul homme politique dire à peu près la même chose, c'était le sous-commandant Marcos. « Le sous-commandant Marcos n'existe pas. D'ailleurs : il n'est pas ». Il est d'ailleurs étonnant de constater que cet homme, qui avance toujours masqué, est tant présent, contrairement aux autres, hommes de paille, idiot du far west, sosies, supers-menteurs en tout genre !
Non : tout le monde en fait autant.
Tout le monde note, parle. Tout le monde est en train de prendre note de la parole. Nous sommes tous des résidus de nos actes. Notre vie est un concentré de paroles résiduelles. On voit bien chez Chaton comment les mots sont des échanges, des signaux, émission-réception, capteurs ultra-sensoriels. Que ces résidus de paroles sont des choses mortes alors que Chaton nous montre bien que c'est nous qui sommes morts. Et cette conscience vive de la mort nous est donnée ici par le poète, qui n'est pas le poète du rien, de l'in-signifiant, de la nullité, du vide ou que sais-je, mais le témoin de ce qui reste quand tout nous est repris, celui par qui vient l'épuisement. Et c'est de l'épuisement au présent, car son acte est des plus politiques qui soient 1.
Les chefs-d'œuvre du passé sont bons pour le passé : ils ne sont pas bons pour nous. Nous avons le droit de dire ce qui a été dit et même ce qui n'a pas été dit d'une façon qui nous appartienne, qui soit immédiate, directe, réponde aux façons de sentir actuelles, et que tout le monde comprendra. A.Artaud.
Tout a été dit mille fois chez Chaton. C'est l'homme dépourvu de parole. Sa langue on la trouve au fond d'un caddie ou sur le bord d'un comptoir. Rien ne lui appartient. On n'a pourtant jamais senti à ce point combien les mots sortent d'une grande poubelle. C'est un épuisement, certes, et pourtant ça se fait dans la poésie, dans le lieu qui, comme dit encore Artaud, s'épuise le moins vite, parce qu'elle admet l'action de ce qui se gesticule et se prononce, et qui ne se reproduit pas deux fois . De là, Chaton rejoint nombre de grands poètes, puisque sa tentative est à l'opposé de ceux qui attrapent la parole pour en faire un outil de pouvoir. J'affirme pour ma part qu'être poète c'est ne pas sortir sa carte du jeu, mais la remettre au tas avant de mélanger les cartes.
A Anne-James Chaton je déclare ceci : moins t'es là, mieux on s'porte ! .
Le poète s'oublie en publiant, se fait oublier par le plus grand nombre. La poésie d'AJC met les mains dans le cambouis. C'est la main à l'écrit qui fouille dans le sac (pardon pour ces jeux de mots !) les tickets de caisse, les cartes de crédits, papiers trouvés, lectures en tout genre. C'est l'œil aussi qui voit ça, comme un laser optique à code-barre. Un œil fou qui se déclencherait à chaque fois que passerait le moindre signe. C'est la conscience que notre vie est peuplée de choses mortes, que nous portons déjà dans nos poches la terre qui nous enseve-lira. Que nous sommes cernés par ces preuves dérisoires faites d'informations sommaires, communiqués en boucle, paroles élémentaires, bribes, calculs en tout genre. Tout est là, dans cette grammaire basique qui nous refait le portrait en deux temps trois mouvements (cf. son "auto-portrait" chez Al Dante avec DVD en prime), et nous assiste, nous accompagne dans un silence à faire peur.
Et il n'y a qu'un poète pour réactiver ça, qui puisse remettre « en piste » toute cette micro-comédie des temps moderne. AJC n'est pas pour autant le sonore des silencieux, puisque son poème dit à quel point le poète s'est tu, qu'il en a fini définitivement avec la citation, qu'il a enfin pris congé de l'Auteur. Chaton est LE poète d'aujourd'hui et il n'y a pas plus haut dans la rigueur que ce travail qui n'en finit pas de nous interroger.
Chère Nathalie, cher Joël, cher Christian, cher Bruno, cher Jean-Pierre, cher Valère, Pierre, Christophe, cher Christophe, Philippe, Philippe, Vincent, chère Kati, Josée, Suzanne, Valérie, Serge, cher Christophe, cher Manu, Jacques, Vanina, Antoine, Christophe, cher Jean-Michel, Jean-Marie, Jérôme, cher Jérôme, Olivier, Jean-Jacques, cher Charles et cher Lucien, Charles-Mézence, cher Julien et cher Bernard, cher Bernard, je vous le dis : vous êtes tous morts!
1 Et ce qui peut sembler paradoxal ne l'est pas lorsque l'on comprend que l'entreprise du poète n'est pas de construire des monuments, de collectionner, d'entrer dans ces manies humaines, ces maladies de la conservation. Face à l'idée de PATRIMOINE, le poète nous demande pourquoi nous voulons tant faire partie des hommes. Les textes de Chaton viennent affirmer que JE n'existe pas. Je n'ai entendu qu'un seul homme politique dire à peu près la même chose, c'était le sous-commandant Marcos. « Le sous-commandant Marcos n'existe pas. D'ailleurs : il n'est pas ». Il est d'ailleurs étonnant de constater que cet homme, qui avance toujours masqué, est tant présent, contrairement aux autres, hommes de paille, idiot du far west, sosies, supers-menteurs en tout genre !