10 févr.
2011
Des autodafés à Venise ? par Lello Voce
Pour le pire, écrivait Montale, il n'y a pas de fin. Comme il avait raison... Ainsi, à la lumière de ce que rapporte un quotidien vénitien, il m'incombe d'intervenir à nouveau sur cette consternante affaire de censure des livres des réprouvés : quelques dizaines d'auteurs toutes générations confondues et de convictions politiques diverses, dont des noms prestigieux et "historiques" de la culture italienne et internationale comme Agamben, Sollers ou Balestrini, parce qu'ils ont signé en 2004 l'appel en faveur de Cesare Battisti...
L'Assesseur à l'Instruction pour la région de Vénétie, la PDL Donazzan, non contente d'avoir déjà mis dans un sérieux embarras jusqu'à ses propres troupes à Venise en décidant unilatéralement et à leur insu, d'utiliser l'argent public pour offrir des Bibles à tous les élèves des écoles de la région, déclare aujourd'hui qu'elle s'adresse à tous les présidents de la Vénétie (et à travers eux à leurs enseignants), pour les inciter à ne pas diffuser auprès des jeunes les œuvres des auteurs mis à l'index. A qui lui reproche d'opérer une censure, elle répond, qu'il ne s'agit pas de sa part d'une exigence (et comment le pourrait-elle?) mais d'une "indication politique".Il y a une tendance à privatiser l'enseignement, en Italie, qui a désormais dépassé toute mesure, comme si - l'administration de l'une ou l'autre de ces institutions, - permettait d'en devenir propriétaire.
Les faits sont je pense désormais connus de tous : de l'invitation à exclure des bibliothèques vénitiennes les livres des auteurs signataires - en 2004 - d'un appel pour la libération de Cesare Battisti, écrivain et ex-membre de la formation terroriste PAC, parti d'un Conseiller municipal du PDL de Martellago, jusqu'à l'adhésion enthousiaste de l'Assesseur de la Province de Venise, Monsieur Speranzon, ex MSI intégré dans le PDL, qui a surenchéri, en nous décrétant"personnes indésirables" dans la province de Venise ; invitant d'un ton menaçant toutes les communes à se comporter de la même manière, ou à en prendre la responsabilité (et donc à en assumer toutes les conséquences... lesquelles?! a-t-on envie de demander).
Nous sommes de nombreux auteurs mis à l'index, avec des positions littéraires et politiques très diverses, rassemblés par le seul fait d'avoir osé se prononcer en faveur du terroriste rouge diabolique, d'avoir émis quelques doutes sur la version officielle des faits.Cela vaut peut-être la peine de préciser que le soussigné n'a pas soutenu cet appel parce qu'il partageait ou avait un tant soit peu jamais partagé les choix politiques de Battisti et des PAC. A cette époque, je faisais tout autre chose .Je n'ai jamais été proche, ni des Brigades rouges, ni de quelque groupe que ce soit, ou groupuscule ayant cru pouvoir résoudre par les armes les contradictions criantes de notre nation. A ceux-ci, donc aux PAC et à Battisti, j'attribue même la part essentielle de la responsabilité d'avoir transformé ma jeunesse en une sorte de triste et désagréable slalom entre les bombes, les postes de contrôle, les courses effrénées sous les toits accueillant des tireurs d'élite. D'avoir en somme contribué à restreindre ma liberté et mon bonheur.
J'ai signé l'appel parce que je pense qu'il est temps de faire toute la lumière, de soulever les voiles, de refuser les échappatoires, de démasquer ce qui doit, et qui doit l'être, quelle que soit la personne en cause.
C'est la seule issue si l'on veut éviter la répétition de certaines tragédies, toujours tapies dans l'angle mort de l'histoire.
Il faut dire, avec la plus grande clarté que ce qui va suivre ne relève pas du pur « idéologisme », que le cas Battisti a la capacité maligne de faire perdre le nord à des têtes bien plus pensantes et démocratiques que celles de l'Illustre Speranzon.
Je fais référence au récent article de Tabucchi paru dans Le Monde du samedi 15 janvier, dans lequel l'écrivain s'en prend à certains intellectuels français tels que BHL, Sollers, Fred Vargas, coupables d'avoir défendu l'écrivain "armé", avec la thèse que les magistrats en Italie appartiendraient à une catégorie au-dessus de tout soupçon, que ce qu'ils établissent serait, sans l'ombre d'un doute, la pure vérité, le cas Battisti inclus.
Même Tabucchi se laisse séduire par les généralisations, par les facilités d'un faux syllogisme, fondé sur les mérites que certains de ces magistrats se sont acquis dans la lutte contre la mafia, ou contre la corruption politique, mais oubliant la responsabilité prise par nombre d'entre eux dans l'apparition d'un épais brouillard sur les tragédies de ce pays : il en déduit que tout magistrat est a priori un magistrat juste ! De tels égarements nous font sentir l'amertume de la lie qu'il faut boire.
La présomption importe peu s'il s'agit de résoudre le débat, comme le fait Tabucchi, en invoquant une supposée totale intégrité de toute une catégorie : celle des magistrats.
Il y a les "robes de combat" mais il y a eu et malheureusement il y a encore, celles que dans les années 70 on a appelées les "robes de garde" de ceux qui croient au complot du Mal, aux balles déviées de leur trajectoire par des pavés volants, ceux qui se sont voués pendant des années à l'ensablement des procès gênants, ceux qui se sont vendus au Caïman etc...
Tabucchi a peut-être oublié des événements qui pourtant devraient lui être bien connus ? Pense-t-il réellement qu'une affaire aussi triste et aussi tragique que celle de la lutte armée puisse être résolue de manière aussi manichéenne, en divisant le monde entre bons et méchants? Et seulement grâce aux sentences des tribunaux ? Cela ne lui semble-t-il pas excessivement "manzonien"?
A-t-il oublié que le grand Lombard affirmait, dans l'un des recoins de son grand Roman, que celui qui commet le mal est coupable non seulement du mal qu'il commet, mais également du trouble qu'il provoque dans l'âme de l'offensé ?
Quel sens cela a-t-il donc, de critiquer violemment un intellectuel pour la seule raison qu'il n'accepte pas servilement ce que tel ou tel juge italien a affirmé dans ses sentences. Tabucchi sait bien que souvent, ici en Italie, les vérités juridiques et les vérités historico-politiques ne coïncident pas.
Que cela arrive justement au lendemain du diktat de Marchionne est particulièrement préoccupant, et fait craindre qu'une fois de plus, la gauche parlementaire ne sache analyser ni répondre au malaise profond de vastes couches de la population.
Au delà de la violente arrogance de la requête de Speranzon, aux sinistres et manifestes échos orwelliens, ce qui frappe le plus est l'idée que l'on puisse interdire, ou du moins empêcher la lecture de tel ou tel livre (ou disque, ou pièce de théâtre) au prétexte des positions que l'auteur exprime à propos d'autres affaires.
Ici en effet, on ne demande pas d'exclure des bibliothèques de Venise, des collections publiques, etc..certains livres qui évoqueraient le cas Battisti, ce qui déjà serait assez révoltant. Non, on fait mieux, on demande d'exclure des livres qui parlent de tout autre chose, au prétexte qu'ils ont été écrits par des personnes politiquement dérangeantes pour Monsieur l'Assesseur.
On est au delà du cauchemar, dans le plus incroyable et le plus nocif des délires...
A quand l'interdiction des livres de tous ceux qui pensent que le Caïman est un prévaricateur, à quand celle de ceux qui prennent position contre le fédéralisme padouan, ou de ceux qui se déclarent gay, ou favorables à des politiques antiprotectionnistes dans le domaine des stupéfiants?
A quand l'exclusion des bibliothèques municipales de Milan de tous les auteurs qui sont des tifosi des équipes de foot de Rome ou Naples?!
Si ce n'était tragique, ce serait de l'ordre de la mauvaise farce.
Je connaissais le passé aux errements néo-fascistes de l'Assesseur, mais je croyais qu'il avait tout intérêt à ne pas les faire connaître.
Je me trompais : à présent, si quelqu'un avait le moindre doute, il se sera objectivement convaincu que la bête immonde a perdu ses poils mais non son vice, et que si le couturier de Speranzon a fait de sa chemise noire un veston croisé bleu de conseiller commercial, il n'en reste pas moins un bon vieux fidèle du chef Almirante.
L'habit ne fait pas le moine, ni l'Assesseur un démocrate.
Sinistre est aussi le chantage caché entre les lignes du communiqué, il fait comprendre que les mesures de censure ne seront pas prises à l'égard des auteurs qui retireraient leur signature de l'appel : même sans autre raison cela me suffirait à m'inciter à le re-signer.
Autre éducation, autre patrimoine génétique en ce qui me concerne.
Il faut dire en outre que, sur un territoire comme le nôtre, où l'arrogance néo-fasciste en est arrivée à des assassinats pour des motifs futiles, où l'intimidation, la violence physique comme instrument licite de la lutte politique sont prises pour maîtresses, des positions de ce genre, unies au chœur d' agressifs rugissements de nombreux représentants de la loi, peuvent sonner comme une invitation et une autorisation à en faire encore plus.
De cela, Speranzon et ses compagnons ne peuvent qu'assumer toute la responsabilité.
Enfin Speranzon nous invite à faire preuve de respect pour les victimes et leurs familles. Il a raison. Ce respect ne m'a jamais fait défaut, à l'égard d'aucune des victimes et d'aucune de leurs familles, quel que soit leur credo politique. Il y a bien longtemps en effet que, comme beaucoup d'autres, je demande que leur soit concédé le respect le plus impérieux : celui qui lèvera le secret d'état sur tant, trop d'épisodes obscurs qui ont affligé l'histoire récente de notre pays, y entraînant des centaines de victimes innocentes, avec et sans uniforme.
Et je ne pense pas avoir manqué de respect en signant cet appel. Si la vérité officielle ne me convainc pas, si je demande de la clarté, au regard de la légalité nationale et internationale, si j'avance des doutes, si j'approfondis, je ne pense pas être en train de manquer de respect à qui que ce soit, et surtout pas, moins que jamais aux familles des victimes, à moins que l'on pense que n'importe quel coupable, vaut mieux que pas de coupable du tout.
Ceci ne bénéficierait ni aux victimes du terrorisme rouge et noir, ni à leurs conjoints, et moins que jamais à la démocratie.
Une telle chose ne peut convenir qu'à celui qui se trouve splendidement à son aise au centre du pogrom.
C'est pour cette raison que je re-signerais cet appel, pour cette raison que j'affirme que les déclarations et initiatives de Speranzon ne sont pas seulement fascistes, mais substantiellement ridicules et obliquement pornographiques.
L'Assesseur à l'Instruction pour la région de Vénétie, la PDL Donazzan, non contente d'avoir déjà mis dans un sérieux embarras jusqu'à ses propres troupes à Venise en décidant unilatéralement et à leur insu, d'utiliser l'argent public pour offrir des Bibles à tous les élèves des écoles de la région, déclare aujourd'hui qu'elle s'adresse à tous les présidents de la Vénétie (et à travers eux à leurs enseignants), pour les inciter à ne pas diffuser auprès des jeunes les œuvres des auteurs mis à l'index. A qui lui reproche d'opérer une censure, elle répond, qu'il ne s'agit pas de sa part d'une exigence (et comment le pourrait-elle?) mais d'une "indication politique".Il y a une tendance à privatiser l'enseignement, en Italie, qui a désormais dépassé toute mesure, comme si - l'administration de l'une ou l'autre de ces institutions, - permettait d'en devenir propriétaire.
Les faits sont je pense désormais connus de tous : de l'invitation à exclure des bibliothèques vénitiennes les livres des auteurs signataires - en 2004 - d'un appel pour la libération de Cesare Battisti, écrivain et ex-membre de la formation terroriste PAC, parti d'un Conseiller municipal du PDL de Martellago, jusqu'à l'adhésion enthousiaste de l'Assesseur de la Province de Venise, Monsieur Speranzon, ex MSI intégré dans le PDL, qui a surenchéri, en nous décrétant"personnes indésirables" dans la province de Venise ; invitant d'un ton menaçant toutes les communes à se comporter de la même manière, ou à en prendre la responsabilité (et donc à en assumer toutes les conséquences... lesquelles?! a-t-on envie de demander).
Nous sommes de nombreux auteurs mis à l'index, avec des positions littéraires et politiques très diverses, rassemblés par le seul fait d'avoir osé se prononcer en faveur du terroriste rouge diabolique, d'avoir émis quelques doutes sur la version officielle des faits.Cela vaut peut-être la peine de préciser que le soussigné n'a pas soutenu cet appel parce qu'il partageait ou avait un tant soit peu jamais partagé les choix politiques de Battisti et des PAC. A cette époque, je faisais tout autre chose .Je n'ai jamais été proche, ni des Brigades rouges, ni de quelque groupe que ce soit, ou groupuscule ayant cru pouvoir résoudre par les armes les contradictions criantes de notre nation. A ceux-ci, donc aux PAC et à Battisti, j'attribue même la part essentielle de la responsabilité d'avoir transformé ma jeunesse en une sorte de triste et désagréable slalom entre les bombes, les postes de contrôle, les courses effrénées sous les toits accueillant des tireurs d'élite. D'avoir en somme contribué à restreindre ma liberté et mon bonheur.
J'ai signé l'appel parce que je pense qu'il est temps de faire toute la lumière, de soulever les voiles, de refuser les échappatoires, de démasquer ce qui doit, et qui doit l'être, quelle que soit la personne en cause.
C'est la seule issue si l'on veut éviter la répétition de certaines tragédies, toujours tapies dans l'angle mort de l'histoire.
Il faut dire, avec la plus grande clarté que ce qui va suivre ne relève pas du pur « idéologisme », que le cas Battisti a la capacité maligne de faire perdre le nord à des têtes bien plus pensantes et démocratiques que celles de l'Illustre Speranzon.
Je fais référence au récent article de Tabucchi paru dans Le Monde du samedi 15 janvier, dans lequel l'écrivain s'en prend à certains intellectuels français tels que BHL, Sollers, Fred Vargas, coupables d'avoir défendu l'écrivain "armé", avec la thèse que les magistrats en Italie appartiendraient à une catégorie au-dessus de tout soupçon, que ce qu'ils établissent serait, sans l'ombre d'un doute, la pure vérité, le cas Battisti inclus.
Même Tabucchi se laisse séduire par les généralisations, par les facilités d'un faux syllogisme, fondé sur les mérites que certains de ces magistrats se sont acquis dans la lutte contre la mafia, ou contre la corruption politique, mais oubliant la responsabilité prise par nombre d'entre eux dans l'apparition d'un épais brouillard sur les tragédies de ce pays : il en déduit que tout magistrat est a priori un magistrat juste ! De tels égarements nous font sentir l'amertume de la lie qu'il faut boire.
La présomption importe peu s'il s'agit de résoudre le débat, comme le fait Tabucchi, en invoquant une supposée totale intégrité de toute une catégorie : celle des magistrats.
Il y a les "robes de combat" mais il y a eu et malheureusement il y a encore, celles que dans les années 70 on a appelées les "robes de garde" de ceux qui croient au complot du Mal, aux balles déviées de leur trajectoire par des pavés volants, ceux qui se sont voués pendant des années à l'ensablement des procès gênants, ceux qui se sont vendus au Caïman etc...
Tabucchi a peut-être oublié des événements qui pourtant devraient lui être bien connus ? Pense-t-il réellement qu'une affaire aussi triste et aussi tragique que celle de la lutte armée puisse être résolue de manière aussi manichéenne, en divisant le monde entre bons et méchants? Et seulement grâce aux sentences des tribunaux ? Cela ne lui semble-t-il pas excessivement "manzonien"?
A-t-il oublié que le grand Lombard affirmait, dans l'un des recoins de son grand Roman, que celui qui commet le mal est coupable non seulement du mal qu'il commet, mais également du trouble qu'il provoque dans l'âme de l'offensé ?
Quel sens cela a-t-il donc, de critiquer violemment un intellectuel pour la seule raison qu'il n'accepte pas servilement ce que tel ou tel juge italien a affirmé dans ses sentences. Tabucchi sait bien que souvent, ici en Italie, les vérités juridiques et les vérités historico-politiques ne coïncident pas.
Que cela arrive justement au lendemain du diktat de Marchionne est particulièrement préoccupant, et fait craindre qu'une fois de plus, la gauche parlementaire ne sache analyser ni répondre au malaise profond de vastes couches de la population.
Au delà de la violente arrogance de la requête de Speranzon, aux sinistres et manifestes échos orwelliens, ce qui frappe le plus est l'idée que l'on puisse interdire, ou du moins empêcher la lecture de tel ou tel livre (ou disque, ou pièce de théâtre) au prétexte des positions que l'auteur exprime à propos d'autres affaires.
Ici en effet, on ne demande pas d'exclure des bibliothèques de Venise, des collections publiques, etc..certains livres qui évoqueraient le cas Battisti, ce qui déjà serait assez révoltant. Non, on fait mieux, on demande d'exclure des livres qui parlent de tout autre chose, au prétexte qu'ils ont été écrits par des personnes politiquement dérangeantes pour Monsieur l'Assesseur.
On est au delà du cauchemar, dans le plus incroyable et le plus nocif des délires...
A quand l'interdiction des livres de tous ceux qui pensent que le Caïman est un prévaricateur, à quand celle de ceux qui prennent position contre le fédéralisme padouan, ou de ceux qui se déclarent gay, ou favorables à des politiques antiprotectionnistes dans le domaine des stupéfiants?
A quand l'exclusion des bibliothèques municipales de Milan de tous les auteurs qui sont des tifosi des équipes de foot de Rome ou Naples?!
Si ce n'était tragique, ce serait de l'ordre de la mauvaise farce.
Je connaissais le passé aux errements néo-fascistes de l'Assesseur, mais je croyais qu'il avait tout intérêt à ne pas les faire connaître.
Je me trompais : à présent, si quelqu'un avait le moindre doute, il se sera objectivement convaincu que la bête immonde a perdu ses poils mais non son vice, et que si le couturier de Speranzon a fait de sa chemise noire un veston croisé bleu de conseiller commercial, il n'en reste pas moins un bon vieux fidèle du chef Almirante.
L'habit ne fait pas le moine, ni l'Assesseur un démocrate.
Sinistre est aussi le chantage caché entre les lignes du communiqué, il fait comprendre que les mesures de censure ne seront pas prises à l'égard des auteurs qui retireraient leur signature de l'appel : même sans autre raison cela me suffirait à m'inciter à le re-signer.
Autre éducation, autre patrimoine génétique en ce qui me concerne.
Il faut dire en outre que, sur un territoire comme le nôtre, où l'arrogance néo-fasciste en est arrivée à des assassinats pour des motifs futiles, où l'intimidation, la violence physique comme instrument licite de la lutte politique sont prises pour maîtresses, des positions de ce genre, unies au chœur d' agressifs rugissements de nombreux représentants de la loi, peuvent sonner comme une invitation et une autorisation à en faire encore plus.
De cela, Speranzon et ses compagnons ne peuvent qu'assumer toute la responsabilité.
Enfin Speranzon nous invite à faire preuve de respect pour les victimes et leurs familles. Il a raison. Ce respect ne m'a jamais fait défaut, à l'égard d'aucune des victimes et d'aucune de leurs familles, quel que soit leur credo politique. Il y a bien longtemps en effet que, comme beaucoup d'autres, je demande que leur soit concédé le respect le plus impérieux : celui qui lèvera le secret d'état sur tant, trop d'épisodes obscurs qui ont affligé l'histoire récente de notre pays, y entraînant des centaines de victimes innocentes, avec et sans uniforme.
Et je ne pense pas avoir manqué de respect en signant cet appel. Si la vérité officielle ne me convainc pas, si je demande de la clarté, au regard de la légalité nationale et internationale, si j'avance des doutes, si j'approfondis, je ne pense pas être en train de manquer de respect à qui que ce soit, et surtout pas, moins que jamais aux familles des victimes, à moins que l'on pense que n'importe quel coupable, vaut mieux que pas de coupable du tout.
Ceci ne bénéficierait ni aux victimes du terrorisme rouge et noir, ni à leurs conjoints, et moins que jamais à la démocratie.
Une telle chose ne peut convenir qu'à celui qui se trouve splendidement à son aise au centre du pogrom.
C'est pour cette raison que je re-signerais cet appel, pour cette raison que j'affirme que les déclarations et initiatives de Speranzon ne sont pas seulement fascistes, mais substantiellement ridicules et obliquement pornographiques.