DROIT DE RÉPONSE

Les Incitations

31 déc.
2020

DROIT DE RÉPONSE

  • Partager sur Facebook
AU CONSEIL DE RÉVISION
 
Un quatuor, où j’ai du mal à voir des ennemis, a publié le 30 décembre 2020 sur le site « Sitaudis.fr » une mise au point intitulée « Refaisons l’Histoire ». Son contenu polémique m’oblige à y faire réponse. Le livre incriminé (385 p.), publié aux éditions des Vanneaux, collection « Présence de la poésie », et signé Marc Kober, retrace mon parcours de poète. S’y ajoutent une anthologie, un ensemble de textes critiques, des éléments biographiques et une bibliographie. Plusieurs pages, une dizaine, y évoquent la revue TXT que j’ai fondée en 1969 avec Christian Prigent. Le texte cité ci-dessus prétend rétablir l’exactitude qui manquerait à certaines questions évoquées. Je ne doute pas que ma propre réponse intéressera les quelques rares lecteurs soucieux de précisions en ce domaine.
 
Pour commenter le titre même de TXT, le souvenir de Christian Prigent lui enseigne que j’aurais préféré sur le moment celui de L’Infinitif. Cette préférence portait, en réalité, sur les deux titres que j’avais simultanément proposés : TXT et L’Infinitif. Notons que TXT résultait de la lecture que je venais de faire du Golem de Gustave Meyrinck et de la formulation du mot Vie en langue hébraïque donnant vie au golem. On sait que dans l’hébreu écrit les voyelles s’expriment par épenthèse entre les consonnes. Ce mot souvent par la suite intéressa ma réflexion ; il renvoie au nom de Dieu YHVH. Ma dernière contribution à TXT dans le numéro portant sur « Au-delà du principe d’avant-garde » énonce la question et signale l’importance du vaw renversif.
 
Une deuxième remarque doute de l’apport théorique que j’aurais donné à la revue. En réalité, la notion de « carnavalesque » fut discutée entre Prigent et moi à l’occasion de la publication de La Poétique de Dostoïevski de Bakhtine, présenté par Julia Kristeva. Les « ordinateurs » rédigés en commun ne permettent plus de voir ce qui revient à l’un ou à l’autre, bien qu’une analyse le rendrait aisément discernable. C’est également durant ces années que je mis en lumière l’article d’Yvan Fonagy sur « les bases pulsionnelles de la phonation » dont tout un chacun profita avec les bénéfices que l’on sait.
 
Il serait malaisé de penser que j’ai oublié pareilles références dans ma poésie par la suite.
 
Venons-en maintenant au n° 2 bis de la revue (voir Archives TXT, car bien peu, même parmi les signataires, le possèdent). Il témoignait alors d’une période de flottement dans la revue, même si l’on annonçait un numéro Ponge et un numéro Carnaval. Le titre « Interlude » est significatif. J’avais proposé de l’axer sur la prose. Tous les textes en prose que cite le quatuor sont postérieurs à ce numéro. Il est facile de le vérifier. Il me revient donc d’avoir attiré l’intention sur cette pratique et de l’avoir illustrée par les textes de « Prière de ne pas… » inclus dans cette livraison où se lisent des contributions d’Yves Froment, Gervais-Bernard Jassaud, Pierre Sylvestre, moi-même et Jean-Pierre Verheggen (poésie). Prigent ne donna que des critiques.
 
Toujours le même tribunal souligne avec contentement que je fus exclu de TXT en 1972. Il cite, à ce propos, la formulation de Marc Kober : « puis il s’éloigne de la revue », p. 16, sans pointer la p. 38 où on peut lire « de 1968 à 1972, année de son exclusion », ni la p. 363 des « Eléments biographiques » où celle-là est parfaitement expliquée.
 
Après cette exclusion, la revue cessa de paraître pendant deux ans, comme le rappelle Prigent dans l’Anthologie TXT publiée chez Christian Bourgois, 1995, p. 8. Il s’agit bien d’un désert avant les nouveaux numéros qui suivirent, à savoir trois livraisons jusqu’au n° 10 auquel j’ai participé largement en 1981.
 
Je ne peux que souhaiter que ces informations éclairent les lecteurs. L’intervention des anciens TXT en décembre 2020, tout en refaisant l’histoire, demandait à être refaite de nouveau selon le principe de « déontologie » rigoureusement rappelé par les signataires. « Artaud refait, tous refaits » Denis ROCHE ainsi intitulait sa contribution au colloque Artaud/Bataille de Cerisy-la-Salle, en 1972. L’amical quatuor a sans doute donné trop d’importance à l « insignifiant poète » que je suis, qui fut leur ami et qui continue de s’interroger sur la « signification » de certains dans la poésie de langue française contemporaine. On ne parlera pas d’abus de pouvoir ni de falsification, je pense. Quant à l’autre article, «  Des « Mecs réglos » de TXT » qui accompagne celui qui m’est consacré, il ne m’épargne pas davantage, mais en écorche d’autres. Nul ne doutera de sa malveillance, y compris celui qui l’a fait et qui, sans parodie, connaît assez bien la langue de la haine.   
 
Jean-Luc Steinmetz
 
ADDENDUM
 
Je remercie Jean-Luc Steinmetz pour ce nouvel éclairage, même si la plupart des points incriminés dans "Refaisons l'histoire"  avaient déjà été évoqués dans ma présentation, peut-être trop brièvement, ou trop allusivement pour les signataires désireux de donner une leçon de précision scientifique et de déontologie universitaire qui cache mal des réactions affectives et passionnelles.  Il semblerait que leur lecture de ma présentation ait été quelque peu superficielle, et pour cause. 
Je tiens à dire que l'objet de cette présentation est une approche de la poésie de Jean-Luc Steinmetz, un poète qui est, à mes yeux, et aux yeux de nombreuses personnes, tout sauf "insignifiant". Et cette poésie a donné toute sa mesure, toute son ampleur, surtout en dehors de sa participation aux activités de TXT. Ce qui n'enlève rien à l'importance des réflexions et des pratiques d'écriture qu'il y a menées, ni à l'influence de celles-ci sur l'ensemble de son œuvre. Les textes expérimentaux et liés à la période TXT que Jean-Luc Steinmetz a publié à part ou à l'intérieur de ses livres, ont été analysés comme les autres, et peut-être plus parfois. Ce qu'on ne trouvera pas, c'est une étude sur « Jean-Luc Steinmetz et TXT », car cela demanderait de reprendre entièrement un déroulé biographique, historique et idéologique complexe et l'ensemble de ses contributions écrites  (et orales, publiques)... Cela, nous n'avons pas, ni Jean-Luc, ni moi-même, souhaité le faire dans le cadre de cet ouvrage. Je ne pense pas que l'histoire de TXT soit si facile et si simple à écrire, en dépit de l'existence d'archives et de témoins vivants (dont Jean-Luc Steinmetz, qui a tout de même, de facto, une certaine autorité en la matière). Ce n'était en tout cas pas du tout l'objet de ma présentation.
Mais tout cela est très bien expliqué dans ce livre pour qui veut bien le lire avec un minimum d'attention et de bienveillance.
 
Marc Kober