ENFERMEMENT par Sylvie Bauer

Les Incitations

09 avril
2020

ENFERMEMENT par Sylvie Bauer

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9 m². Seul, à deux, voire à trois dans neuf mètres carrés. Une cellule, l’enfermement, la claustration. Derrière les murs éloignés des villes on les oublie. Quand les prisons étaient en centre-ville, derrière la gare, on les entendait, on voyait leurs mains s’agiter, on distinguait des formes derrière les barreaux. Ils entendaient les trains, connaissaient par cœur leurs heures d’arrivée, de départ. Ils rêvaient d’en prendre un, de partir loin, très loin. Maintenant, là-bas, dehors, en périphérie de l’agglomération, c’est le silence. Plus lourd et menaçant en ces temps de confinement pour tous. Alors, le bruit, la violence, on tape contre la porte, contre les murs. On insulte ceux qui sont de « l’autre côté » et qui viennent pourtant ouvrir, fermer les portes, apporter le nécessaire, avec l’angoisse décuplée en ces temps de pandémie.

60 tours, 15 étages, tout un quartier, en banlieue. Les appartements trop petits pour de si grandes familles. Les tensions quotidiennes, le bruit, la colère, la peur, la pauvreté, l’angoisse de demain. La violence se retourne contre soi, contre ceux qui sont là, trop proches. On étouffe ensemble. On ne s’entend plus, on n’entend plus que le déferlement des nouvelles qui n’en sont pas. Le téléviseur les diffuse en permanence mais on ne le regarde plus. On finit par descendre malgré l’interdiction. On finit par crier pour faire taire le bruit incessant entre ces quatre murs.

C’est ainsi que m’obsèdent aujourd’hui ces femmes, ces hommes, ces lieux, naguère familiers.