Interview de Jérôme Vidal, Directeur de la publication de la RILI

Les Incitations

01 juil.
2008

Interview de Jérôme Vidal, Directeur de la publication de la RILI

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Vous venez de l'édition (ce sont les éditions Amsterdam qui ont contribué à faire connaître Sizek en France) maisvous ne roulez pas sur l'or : votre projet de revue est-il viable à long terme sans publicité ? à partir de combien d'abonnés ?N'est-ce pas un pari très risqué ?

Nous ne roulons pas sur l'or, certes ; mais nous aurons bientôt mis au point la recette de la transmutation du plomb en or ! C'est là la visée même de l'activité d'éditeur, non ? Plaisanterie mise à part, le fait d'être adossé à Editions Amsterdam et de bénéficier pour le lancement de la revue du précieux soutien de la région Œle-de-France, nous permet de voir venir. Par ailleurs, nous ne nous interdisons pas d'abandonner à des publicités quelques espaces dans la revue. C'est d'ailleurs déjà le cas, dans le cadre d'échanges avec d'autres éditeurs ou organes de presse.

Il n'est pas déraisonnable d'espérer asseoir la revue d'un point de vue économique et commercial. Les ventes des premiers numéros sont tout à fait encourageantes et la tendance est à l'augmentation. Idem pour ce qui est des souscriptions d'abonnements.

Et à vrai dire, je ne parlerai pas d'un pari risqué. Si jamais la revue devait cesser de paraître pour des raisons financières, nous serions de toutes les manières ravis de l'œuvre accomplie. Tout ce qui existe mérite de périr, disait Faust, cité par Marx ! Mais à ce jour la question ne se pose plus vraiment : les ventes de la revue démentent les prévisions pessimistes de nombres de professionnels auxquels nous avions présenté notre projet.

Dans l'édition comme dans la presse règne tendanciellement le principe du moins disant, du plus petit dénominateur commun : il faut s'adresser à tous, c'est-à-dire à personne, pour maximiser la taille du lectorat potentiel. Mon opinion est que nombre d'éditeurs et de professionnels de la presse projettent leur propre médiocrité sur "le" lecteur. Nous n'avons pas du tout procédé ainsi : nous sommes partis de notre insatisfaction et de nos désirs pour produire une revue que nous aimerions lire. N'étant pas des êtres d'exception, nous nous sommes dits qu'il y avait de bonnes chances pour que d'autres partagent au moins en partie ces insatisfactions et ces désirs.

Cela dit, j'invite les visiteurs de Sitaudis qui ne la connaîtraient pas déjà à découvrir la revue et à s'abonner : c'est évidemment la condition sine qua non de son inscription dans la durée.



Vous êtes-vous inspirés de certains prédécesseurs comme The N-Y Review of Books ?

Oui, de la New York Review of Books, de la London Review of Books, de Bookforum... Nous traduisons et publions d'ailleurs parfois des articles parus premièrement dans ces revues et dans quelques autres, avec lesquelles nous avons établi une sorte de partenariat informel. De ces journaux nous avons surtout retenu le format (la RILI est un tabloïd, vendu non seulement en librairie, mais aussi en kiosque) et l'idée d'élaborer le débat d'idées à travers la production de comptes rendus critiques de livres. Les articles publiés dans la NYRB, la LRB et Bookforum sont des critiques développées de livres, mais aussi souvent, simultanément, de véritables essais, de véritables interventions. Rien à voir avec ce que l'on trouve habituellement dans la plupart des suppléments livres des quotidiens ou des magazines, qui se confond généralement avec de pauvres billets d'humeur ou de mauvaises réclames !

La RILI se distingue cependant nettement par son style et certains choix importants : perspective internationale plus marquée (une partie significative des livres recensés ne sont pas disponibles en français) ; engagement politique affirmé (nous voudrions être "un carrefour des gauches critiques") ; place non négligeable réservée à la poésie et aux écritures expérimentales ; refus de recourir à une iconographie illustrative, anecdotique.



Comment fonctionne la rédaction, le réseau des traducteurs ?

Il n'y a pas à proprement parler de rédaction. L'équipe de la RILI se trouve à l'intersection de différents réseaux d'informateurs, de contributeurs, d'auteurs, etc. Nous faisons de la "veille", nous sollicitons des contributions -- beaucoup de gens se "branchent" aussi sur la revue et nous font partager leurs informations, leurs idées, leurs projets et nous proposent ceci ou cela. Nous profitons aussi des critiques qui nous sont adressées. En bout de course, il y a la composition de chaque numéro, à partir des matériaux récoltés, qui relève de la jonglerie. Je suis assez surpris de la cohérence de la revue étant donné le bricolage, l'improvisation et les hasards qui président à son élaboration ! Nous jouons manifestement le rôle de "filtres"...

Pour ce qui est des traducteurs, il s'agit de membres de l'équipe ou d'amis. Mais à vrai dire, répondre à la question de savoir qui constitue l'équipe de la RILI n'est pas facile !



Etes-vous majoritairement des philosophes et des politiques ?

Aucun d'entre nous ne se dirait "philosophe". Aucun d'entre nous d'ailleurs, je pense, ne sait bien ce que c'est, au juste, que la "philosophie". Nous avons pour la plupart suivi des cursus universitaires dans des départements de philosophie et d'histoire ; certains d'entre nous se sont investis dans différents mouvements (chômeurs et précaires, sans papiers, soutien aux personnes prostituées, etc.). Il est possible de dire que pour une part la dimension politique de l'écriture et de la pensée est ce qui nous meut -- mais il faut alors immédiatement ajouter que notre appréhension de la politique déborde la politique institutionnelle, ce qu'on appelle habituellement la politique.



Les photos publiées ne sont pas des illustrations des articles,elles ont leur vie propre et une grande qualité artistique : comment s'organise le montage final ?

L'idée est qu'il doit s'agir avec l'iconographie d'une contribution pleine et entière à la revue, qu'il ne s'agit pas d'illustrer le propos des articles ou de décorer de quelques images nos pages. Il y a encore à mon goût un certain flottement de ce côté. Nous allons à l'avenir renforcer notre parti pris initial. Le numéro 6, qui ne contient qu'une contribution iconographique -- magnifique, celle des frères Wright --, contre trois dans les précédents numéros, donnera aux lecteurs une bonne idée de ce vers quoi nous tendons. Fini les vignettes !



Vous avez simultanément créé le site de la RILI et engagé un partenariat avec nous : comment envisagez-vous les rapports entre le web et le papier imprimé ?

Le site est aujourd'hui encore surtout une vitrine de la revue papier. L'intégralité des archives est accessible aux abonnés, un certain nombre d'articles sont en accès libre. La maquette, la mise en page et l'iconographie de la revue en sont des éléments essentiels. La revue est un objet qu'il n'est pas simple de "traduire" sur Internet. D'autant plus que certains des articles comptent plus de 40000 signes. Impossible de lire ça sur un écran sans se flinguer les yeux !

Nous sommes de plus dubitatifs sur la possibilité d'assurer la viabilité économique d'une revue comme la nôtre sur la base d'un accès libre, gratuit, en ligne, à l'ensemble de son contenu.

Cela dit, nous projetons de considérablement développer notre site Internet, qui ne sera bientôt plus la simple "vitrine" dont je parlais. L'idée est de valoriser le travail de veille éditoriale et intellectuelle que nous réalisons de toutes les façons et d'en faire bénéficier nos lecteurs : nous voudrions que notre site devienne une sorte de portail de référence de la fiction et de la non-fiction sur le Web. Nous proposerons aussi des contenus similaires à ceux qu'offre la revue papier, mais dans des formats adaptés à la lecture en ligne. A terme, l'idée est de singulariser le site de manière à ce que la version papier et la version Web de la RILI se complètent davantage qu'elles ne se répètent.



Quels sont vos projets immédiats et à plus long terme ?
Quelques éléments de réponse à cette question ont déjà été apportés. Mais ce qui me plaît avec la RILI, depuis son lancement, c'est qu'elle se transforme de numéro en numéro. La RILI, ce n'est pas simplement un ou des projets, c'est surtout l'occasion de rencontres qui en font dévier, plus ou moins sensiblement, la trajectoire projetée. Je ne sais pas précisément ce à quoi ressemblera la revue dans un an, deux ans...

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