29 janv.
2006
Le petit lieutenant de Xavier Beauvais (France 2005) par Catherine Weinzaepflen
Le petit lieutenant, c'est Jalil Lespert (souvenez-vous : le fils dans Ressources humaines, formidable acteur ). C'est par ses yeux, son « innocence » - son jeune âge quoi qu'il en soit - que nous découvrons la PJ. Alors que le polar ne subsiste qu'en succédanés télévisuels, le film de Xavier Beauvois reprend le flambeau et renouvelle le genre avec un film qui est pour moi aussi fort qu'un livre dont je ne cesse de souligner certains passages (je ne sais pas lire autrement qu'un crayon à la main).
Il faut dire tout de suite que l'image est de Caroline Champetier. Ainsi ces deux panoramiques sur Paris - le petit lieutenant qui débarque dans la ville et monte sur la Tour Eiffel, ou Nathalie Baye, sa chef, dont le regard balaie une ville dense et blanche au petit matin depuis son appartement impeccablement rangé, pétrifié dans la solitude. Ces deux panoramiques, légers ( aucune image jamais n'est appuyée, aussi dramatique soit la scène), expriment la pensée des personnages de manière aussi juste que l'image d'une chambre un peu miteuse dans laquelle le petit lieutenant installe ses rares objets personnels.
Regard sur la police, de l'intérieur. Ce qui n'empêche pas qu'on la verra à l'action ( traque, poursuite, arrestation) dans la dernière partie. De l'intérieur, celle qui porte le film : Nathalie Baye, alcoolique sevrée qui reprend du service ( comme le réalisateur qui réinvestit le polar ?) en tant que commandant de la PJ. Solitude (à la suite d'un drame personnel elle s'est perdue dans l'alcool), force ou désarroi, tact, s'expriment plus par l'expression du visage ou les mouvements du corps que par le discours. Grande économie de langage de la part du réalisateur, et parfois conversations superposées qui rendent inaudibles des propos sans importance. Le film s'achève d'ailleurs sur un long plan serré du visage de l'actrice sur lequel on lit les oscillations de sa pensée, les méandres de son âme. Un plan qui interpelle le spectateur de manière aussi saisissante que celui du cow boy qui dégaine son arme face au public, dans le film (muet) de Porter, The great train robbery - c'est en tout cas à ce « moi » de celui qui est dans la salle que s'adresse le dernier plan du Petit lieutenant.
Xavier Beauvois dirige magistralement ses acteurs ( avec ce clin d'œil qui lui fait interpréter le flic le plus antipathique du lot que le commissariat regroupe ). Accorder Roschdy Zem et Nathalie Baye dans une même partition ne va sûrement pas de soi, or leur « duo » vers la fin du film est parfait. Sans compter Antoine Chappey qui, une fois qu'il craque, se révèle, ou Jacques Perrin, toujours magnifique même dans un rôle second.
Il va de soi que ce film n'est pas une apologie de la police. Au contraire, tout y démonte le flic héros tel qu'il apparaît systématiquement aujourd'hui dans les films américains.
On pourrait examiner chaque élément du film pour en souligner la justesse ( l'absence de musique par exemple, quel soulagement ...) ça ne suffirait pas à dire pourquoi il s'agit d'un grand film. Comme toujours, lorsqu'une œuvre est réussie, il en émane quelque chose de magique et d'indicible. Pour ce qui est du Petit lieutenant, un mélange de réalisme et de vérité intérieure peut-être, qui nous entraîne dans l'identification. Dans de subtils mécanismes de transfert d'un personnage à l'autre, et qui alimentent notre plaisir de spectateur. Au point qu'en sortant du cinéma, encore sous l'effet du film, je regardais la ville différemment. Me disais : nous côtoyons des assassins potentiels prêts à tout comme les deux Russes du Petit lieutenant...Allez voir le film de Xavier Beauvois, parlez-en autour de vous : aujourd'hui le sort d'un film d'auteur est aussi précaire que celui d'un livre de poésie.
Il faut dire tout de suite que l'image est de Caroline Champetier. Ainsi ces deux panoramiques sur Paris - le petit lieutenant qui débarque dans la ville et monte sur la Tour Eiffel, ou Nathalie Baye, sa chef, dont le regard balaie une ville dense et blanche au petit matin depuis son appartement impeccablement rangé, pétrifié dans la solitude. Ces deux panoramiques, légers ( aucune image jamais n'est appuyée, aussi dramatique soit la scène), expriment la pensée des personnages de manière aussi juste que l'image d'une chambre un peu miteuse dans laquelle le petit lieutenant installe ses rares objets personnels.
Regard sur la police, de l'intérieur. Ce qui n'empêche pas qu'on la verra à l'action ( traque, poursuite, arrestation) dans la dernière partie. De l'intérieur, celle qui porte le film : Nathalie Baye, alcoolique sevrée qui reprend du service ( comme le réalisateur qui réinvestit le polar ?) en tant que commandant de la PJ. Solitude (à la suite d'un drame personnel elle s'est perdue dans l'alcool), force ou désarroi, tact, s'expriment plus par l'expression du visage ou les mouvements du corps que par le discours. Grande économie de langage de la part du réalisateur, et parfois conversations superposées qui rendent inaudibles des propos sans importance. Le film s'achève d'ailleurs sur un long plan serré du visage de l'actrice sur lequel on lit les oscillations de sa pensée, les méandres de son âme. Un plan qui interpelle le spectateur de manière aussi saisissante que celui du cow boy qui dégaine son arme face au public, dans le film (muet) de Porter, The great train robbery - c'est en tout cas à ce « moi » de celui qui est dans la salle que s'adresse le dernier plan du Petit lieutenant.
Xavier Beauvois dirige magistralement ses acteurs ( avec ce clin d'œil qui lui fait interpréter le flic le plus antipathique du lot que le commissariat regroupe ). Accorder Roschdy Zem et Nathalie Baye dans une même partition ne va sûrement pas de soi, or leur « duo » vers la fin du film est parfait. Sans compter Antoine Chappey qui, une fois qu'il craque, se révèle, ou Jacques Perrin, toujours magnifique même dans un rôle second.
Il va de soi que ce film n'est pas une apologie de la police. Au contraire, tout y démonte le flic héros tel qu'il apparaît systématiquement aujourd'hui dans les films américains.
On pourrait examiner chaque élément du film pour en souligner la justesse ( l'absence de musique par exemple, quel soulagement ...) ça ne suffirait pas à dire pourquoi il s'agit d'un grand film. Comme toujours, lorsqu'une œuvre est réussie, il en émane quelque chose de magique et d'indicible. Pour ce qui est du Petit lieutenant, un mélange de réalisme et de vérité intérieure peut-être, qui nous entraîne dans l'identification. Dans de subtils mécanismes de transfert d'un personnage à l'autre, et qui alimentent notre plaisir de spectateur. Au point qu'en sortant du cinéma, encore sous l'effet du film, je regardais la ville différemment. Me disais : nous côtoyons des assassins potentiels prêts à tout comme les deux Russes du Petit lieutenant...Allez voir le film de Xavier Beauvois, parlez-en autour de vous : aujourd'hui le sort d'un film d'auteur est aussi précaire que celui d'un livre de poésie.