30 déc.
2003
Thierry Guichard, interview express (30/12/03)
Q- Accepteriez-vous, Thierry Guichard, de répondre à tout ou partie des questionssuivantes pour une mise en ligne sur SITAUDIS :
R- On va essayer rapidement, car oui, le passage à la mensualisation fait que l'urgent l'est plus encore...
J'suis pas sûr que ce soit tout à fait ce que vous attendiez, mais je vous laisse maître des coupes ou carrément de la suppression du texte.
Q- En paraissant mensuellement, Le Matricule des Anges débarque dans ce que lejournalistes aiment à désigner comme la cour des grands :
- accepterez-vous d'en respecter les règles?
R- Quelles règles? Les seules qui nous intéressent sont d'ordre journalistiques mais telles qu'elles devraient être respectées et non telles qu'elles sont souvent détournées. Pour nous, la règle, c'est d'informer le mieux possible les lecteurs des parutions littéraires mais aussi artistiques et des essais.
J'ignore s'il est des règles à respecter pour être dans la cour des grands et franchement, la cour, c'est un peu petit. On a plutôt l'impression d'être, petits, dans le monde. C'est ça qui nous intéresse aussi : trouver du sens à nos vies en interrogeant les livres qu'on lit, faire part de nos impressions à des contemporains qui à leur tour peuvent témoigner des leurs, donner la parole aux écrivains qui semblent en avoir une et nous interroger à voix haute.Le fait de passer mensuel répond aussi au désir de maintenir vive l'excitation. Tous les deux mois, maintenant, on arrivait sans trop de peine à faire notre magazine. En passant mensuel, c'est comme si on rajoutait quelques piments dans le chili con carne. Et puis, bien sûr, c'était affirmer l'importance de la littérature à une époque où les magazines qui se créent nous parlent exclusivement des starlettes de la pop star académie, des copains de telle actrice ou des hémorroïdes de tel chanteur... Il nous semble qu'il y a plus d'humanité dans la littérature que dans ces fadaises.
- quelles sont les difficultés qui se présentent à vous?
R-La mollesse de notre société, en premier lieu peut-être. Vous lancez un débat (nous c'est : "quelle révolution souhaitez-vous?" qu'on demande aux écrivains) et vous n'obtenez guère de réponses, guère d'échos et rien de bien nouveau ou radical.
L'autre difficulté réside dans le fait que les marchands ont fait une vérité de l'idée que lire c'est compliqué et la littérature c'est élitiste. Du coup, vous trouvez des professionnels du livre qui défendront d'un côté l'école de Brive sous le prétexte que ça plaît au peuple et qui de l'autre ne liront pas même un article du Matricule, parce que c'est trop élitiste (et nous serions des salauds d'écrire des articles un peu longs sur des auteurs méconnus)... Enfin, évidemment, nous ressentons une difficulté économique évidente. Le Matricule fonctionne sans publicité et sans beaucoup d'aides (seul le CNL nous verse une subvention : rien de la Région, du Département de la ville de Montpellier où nous sommes, ni de l'Europe - mais on n'a rien demandé). Ce problème financier n'est pas un problème pour le Matricule mais pour ceux qui le font. Tous les collaborateurs travaillent bénévolement et les deux salaires que nous versons ne dépassent pas le smic. C'est dire que parfois nous recevons, à titre privé, des lettres de nos banquiers. Tant que nous acceptons cela, Le Matricule n'aura aucun souci à se faire. Mais des fois on aimerait que nos chaussettes ne soient pas trouées. Le problème financier n'est rien ou ne serait rien, s'il ne témoignait pas de la place faite aujourd'hui à la pensée, la littérature, l'art à côté de la place faite au divertissement lobotomisant, à la politique véreuse, aux magouilles du Médef. Mais bon, dire ça et tout de suite on passe pour un 68 tard
...
- quelles perspectives?
R-Encore quelques lectures sous la couette puis, dès avril-mai, en raison de notre situation géographique, lectures sur le sable de la plage, les terrasses des cafés. Une augmentation régulière du nombre des abonnés (1500) et des ventes (3500) laisse entrevoir une augmentation de la pagination du magazine (oui, on le sait : les lecteurs n'arrivent pas à tout lire, mais n'en est-il pas de même pour Le Monde ou Libé?) On essaiera de faire une fête aussi pour les 50 ans du Matricule mais on n'a pas encore l'adresse de la maison de retraite où la sauterie aura lieu
...
- subissez-vous des pressions (intellectuelles, économiques)?
R- Sentimentales. Nos copines (pour les garçons) et nos copains (pour les filles) n'aiment pas qu'on passe Noël et le Premier de l'an devant l'ordinateur... Des pressions pseudo-amicales parfois (l'auteur ami très meurtri qu'on n'ait pas encore parlé de son chef-d'œuvre) mais dans l'ensemble, non, pas de pression. Faut dire qu'on a un côté ours peut-être et surtout qu'on ne met rien au-dessus de notre liberté (ni argent ni pouvoir; dès lors, difficile de faire pression sur nous. Et puis aussi, la littérature c'est tellement rien dans le monde d'aujourd'hui que le mec qui ferait pression pour elle serait automatiquement sympathique, non?)
Q- Quelles leçons tirez-vous de votre présence sur le Web?
R- L'impression bizarre qu'on VA être sur le web, alors que ça fait plus de 5 ans, je crois, qu'on y est. Le côté potentiel du médium est très fort. On aimerait que France Très Très Con se magne à nous proposer du très haut débit pour tous parce qu'il y aurait des choses merveilleuses à faire et on oublie que les journées ne comptent que 24 heures.
Il y a toujours quelque chose à inventer sur le web, dans la relation avec le lecteur, dans l'émission d'informations, dans la construction de réseau... C'est ennivrant et du coup un peu paralysant. Et puis le médium ne change rien : la littérature continue à n'intéresser que peu de monde et dans un système capitaliste, ce peu-là est synonyme de marginalité, de manque de moyens et de disparition.
Q- Pouvez-vous nous en dire plus sur vous-même, Thierry Guichard?
R-Pas très envie. Les journalistes ne sont pas là pour parler d'eux.
- on vous imagine volontiers frondeur (68tard?) mais patron tout de même :d'où venez-vous? d'où parlez-vous?! quelle est votre formationintellectuelle?
R- Patron? Oh non alors, je ne crois pas. Le patron, c'est plutôt Philippe Savary, moi je suis trop porté à boire des canons avec les collaborateurs... Suis né trop tard pour 68 et trop tôt pour appartenir à la génération Tapie. …tudes à rallonge médiocres et très dilettantes, puis finalement école de journalisme de Strasbourg. Passionné de radio et de journalisme, lecteur amoureux de la littérature. «a plus les hasards de la vie et la rencontre avec quelques autres fondus dont le Savary susnommé, ça a fini par faire le Matricule.
- cachez-vous des manuscrits de vous dans vos tiroirs? tes-vous un écrivainmanqué?
Si j'avais été écrivain, oui, je l'aurais été manqué. Mais je déteste écrire (même les articles), ça me met devant du vide à chaque fois. La communication, le journalisme au moins m'offre une rampe pour ne pas me casser la gueule.
Merci de votre attention et bonnes fêtes, bonne année 2004!
J'ai une amie, mère d'une ravissante petite fille de 9 ans. Elle travaille dans l'intérim pour rester près de sa fille et du père de celle-ci. Quand elle bosse une journée, on lui retire 15 jours d'assedics. Son banquier vient (le 29 décembre, quel délicat cadeau de Noël) de lui signaler que désormais elle est interdite de chéquiers et qu'elle figure sur la liste rouge de la banque de France.
Le 1er janvier des centaines de milliers de chômeurs vont se retrouver RMistes parce qu'un pseudo accord signé à l'initiative du Médef vise à épurer les comptes de l'Unedic.
J'aimerais bien vous souhaiter une bonne année 2004 (à vous et à vos lecteurs) mais ça ne serait qu'une formule de politesse, n'est-ce pas?
Disons : Bonne chaude année! (et qu'on parle plus tard des 2004tard plutôt que des 68tard?)
R- On va essayer rapidement, car oui, le passage à la mensualisation fait que l'urgent l'est plus encore...
J'suis pas sûr que ce soit tout à fait ce que vous attendiez, mais je vous laisse maître des coupes ou carrément de la suppression du texte.
Q- En paraissant mensuellement, Le Matricule des Anges débarque dans ce que lejournalistes aiment à désigner comme la cour des grands :
- accepterez-vous d'en respecter les règles?
R- Quelles règles? Les seules qui nous intéressent sont d'ordre journalistiques mais telles qu'elles devraient être respectées et non telles qu'elles sont souvent détournées. Pour nous, la règle, c'est d'informer le mieux possible les lecteurs des parutions littéraires mais aussi artistiques et des essais.
J'ignore s'il est des règles à respecter pour être dans la cour des grands et franchement, la cour, c'est un peu petit. On a plutôt l'impression d'être, petits, dans le monde. C'est ça qui nous intéresse aussi : trouver du sens à nos vies en interrogeant les livres qu'on lit, faire part de nos impressions à des contemporains qui à leur tour peuvent témoigner des leurs, donner la parole aux écrivains qui semblent en avoir une et nous interroger à voix haute.Le fait de passer mensuel répond aussi au désir de maintenir vive l'excitation. Tous les deux mois, maintenant, on arrivait sans trop de peine à faire notre magazine. En passant mensuel, c'est comme si on rajoutait quelques piments dans le chili con carne. Et puis, bien sûr, c'était affirmer l'importance de la littérature à une époque où les magazines qui se créent nous parlent exclusivement des starlettes de la pop star académie, des copains de telle actrice ou des hémorroïdes de tel chanteur... Il nous semble qu'il y a plus d'humanité dans la littérature que dans ces fadaises.
- quelles sont les difficultés qui se présentent à vous?
R-La mollesse de notre société, en premier lieu peut-être. Vous lancez un débat (nous c'est : "quelle révolution souhaitez-vous?" qu'on demande aux écrivains) et vous n'obtenez guère de réponses, guère d'échos et rien de bien nouveau ou radical.
L'autre difficulté réside dans le fait que les marchands ont fait une vérité de l'idée que lire c'est compliqué et la littérature c'est élitiste. Du coup, vous trouvez des professionnels du livre qui défendront d'un côté l'école de Brive sous le prétexte que ça plaît au peuple et qui de l'autre ne liront pas même un article du Matricule, parce que c'est trop élitiste (et nous serions des salauds d'écrire des articles un peu longs sur des auteurs méconnus)... Enfin, évidemment, nous ressentons une difficulté économique évidente. Le Matricule fonctionne sans publicité et sans beaucoup d'aides (seul le CNL nous verse une subvention : rien de la Région, du Département de la ville de Montpellier où nous sommes, ni de l'Europe - mais on n'a rien demandé). Ce problème financier n'est pas un problème pour le Matricule mais pour ceux qui le font. Tous les collaborateurs travaillent bénévolement et les deux salaires que nous versons ne dépassent pas le smic. C'est dire que parfois nous recevons, à titre privé, des lettres de nos banquiers. Tant que nous acceptons cela, Le Matricule n'aura aucun souci à se faire. Mais des fois on aimerait que nos chaussettes ne soient pas trouées. Le problème financier n'est rien ou ne serait rien, s'il ne témoignait pas de la place faite aujourd'hui à la pensée, la littérature, l'art à côté de la place faite au divertissement lobotomisant, à la politique véreuse, aux magouilles du Médef. Mais bon, dire ça et tout de suite on passe pour un 68 tard
...
- quelles perspectives?
R-Encore quelques lectures sous la couette puis, dès avril-mai, en raison de notre situation géographique, lectures sur le sable de la plage, les terrasses des cafés. Une augmentation régulière du nombre des abonnés (1500) et des ventes (3500) laisse entrevoir une augmentation de la pagination du magazine (oui, on le sait : les lecteurs n'arrivent pas à tout lire, mais n'en est-il pas de même pour Le Monde ou Libé?) On essaiera de faire une fête aussi pour les 50 ans du Matricule mais on n'a pas encore l'adresse de la maison de retraite où la sauterie aura lieu
...
- subissez-vous des pressions (intellectuelles, économiques)?
R- Sentimentales. Nos copines (pour les garçons) et nos copains (pour les filles) n'aiment pas qu'on passe Noël et le Premier de l'an devant l'ordinateur... Des pressions pseudo-amicales parfois (l'auteur ami très meurtri qu'on n'ait pas encore parlé de son chef-d'œuvre) mais dans l'ensemble, non, pas de pression. Faut dire qu'on a un côté ours peut-être et surtout qu'on ne met rien au-dessus de notre liberté (ni argent ni pouvoir; dès lors, difficile de faire pression sur nous. Et puis aussi, la littérature c'est tellement rien dans le monde d'aujourd'hui que le mec qui ferait pression pour elle serait automatiquement sympathique, non?)
Q- Quelles leçons tirez-vous de votre présence sur le Web?
R- L'impression bizarre qu'on VA être sur le web, alors que ça fait plus de 5 ans, je crois, qu'on y est. Le côté potentiel du médium est très fort. On aimerait que France Très Très Con se magne à nous proposer du très haut débit pour tous parce qu'il y aurait des choses merveilleuses à faire et on oublie que les journées ne comptent que 24 heures.
Il y a toujours quelque chose à inventer sur le web, dans la relation avec le lecteur, dans l'émission d'informations, dans la construction de réseau... C'est ennivrant et du coup un peu paralysant. Et puis le médium ne change rien : la littérature continue à n'intéresser que peu de monde et dans un système capitaliste, ce peu-là est synonyme de marginalité, de manque de moyens et de disparition.
Q- Pouvez-vous nous en dire plus sur vous-même, Thierry Guichard?
R-Pas très envie. Les journalistes ne sont pas là pour parler d'eux.
- on vous imagine volontiers frondeur (68tard?) mais patron tout de même :d'où venez-vous? d'où parlez-vous?! quelle est votre formationintellectuelle?
R- Patron? Oh non alors, je ne crois pas. Le patron, c'est plutôt Philippe Savary, moi je suis trop porté à boire des canons avec les collaborateurs... Suis né trop tard pour 68 et trop tôt pour appartenir à la génération Tapie. …tudes à rallonge médiocres et très dilettantes, puis finalement école de journalisme de Strasbourg. Passionné de radio et de journalisme, lecteur amoureux de la littérature. «a plus les hasards de la vie et la rencontre avec quelques autres fondus dont le Savary susnommé, ça a fini par faire le Matricule.
- cachez-vous des manuscrits de vous dans vos tiroirs? tes-vous un écrivainmanqué?
Si j'avais été écrivain, oui, je l'aurais été manqué. Mais je déteste écrire (même les articles), ça me met devant du vide à chaque fois. La communication, le journalisme au moins m'offre une rampe pour ne pas me casser la gueule.
Merci de votre attention et bonnes fêtes, bonne année 2004!
J'ai une amie, mère d'une ravissante petite fille de 9 ans. Elle travaille dans l'intérim pour rester près de sa fille et du père de celle-ci. Quand elle bosse une journée, on lui retire 15 jours d'assedics. Son banquier vient (le 29 décembre, quel délicat cadeau de Noël) de lui signaler que désormais elle est interdite de chéquiers et qu'elle figure sur la liste rouge de la banque de France.
Le 1er janvier des centaines de milliers de chômeurs vont se retrouver RMistes parce qu'un pseudo accord signé à l'initiative du Médef vise à épurer les comptes de l'Unedic.
J'aimerais bien vous souhaiter une bonne année 2004 (à vous et à vos lecteurs) mais ça ne serait qu'une formule de politesse, n'est-ce pas?
Disons : Bonne chaude année! (et qu'on parle plus tard des 2004tard plutôt que des 68tard?)