Hubert Haddad, Portiques de l'instant par Jean Miniac

Les Parutions

02 oct.
2024

Hubert Haddad, Portiques de l'instant par Jean Miniac

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Hubert Haddad, Portiques de l'instant

L'entreprise à laquelle nous associe Hubert Haddad dans son nouveau recueil est celle d'un dévoilement. Jamais sans doute la portée didactique de son écriture n'a paru aussi prégnante, dans sa subtilité et sa douceur : Hubert Haddad ne cherche pas seul, pour lui-même : il veut nous impliquer dans sa recherche. Il cherche pour nous, et veut que nous devenions nous-mêmes chercheurs, nous invitant à « entrer dans la clandestinité des choses ». Sans même qu'un mot soit prononcé à ce sujet, et comme dans un soupir, cette poésie porte en elle-même un magnifique congédiement du bavardage social et de ses fausses gloires. Elle nous recentre sur l'essentiel, qui est tout ce dont on ne parle pas dans les médias. Elle le fait dans une sorte de prédication suave, beaucoup plus efficiente que n'importe quel « coup de gueule » : « Le meurtre de soi emmure l'âme à jamais / c'est cela la malédiction, pensais-je. » Eh oui, c'est cela la malédiction, étalée partout autour de nous, chaque jour. Mais alors que s'agit-il d'épouser ? Sur quoi recentrer notre attention ? Sur ce qui est pressenti comme étant à l'origine commune de la vie et du poème. Dans un même mouvement. Et de cela, bien sûr, la mort fait partie (comment pourrait-il en être autrement ?) : « Au moment où mille mots se bousculent / pour que naisse un poème / tout nous fait signe pourtant de si loin / du fond perdu des mondes / d'un ciel d'étoiles éteintes / la mort s'enroule dans la lumière profonde. » On voit donc que cette recherche poétique est consubstantielle à un savoir. Un savoir qui s'organise, et non un savoir établi, figé une fois pour toutes. Une progression de la connaissance. « Tout savoir questionne la mort », dit ailleurs le poète. Ce questionnement, cet effort de lucidité sans cesse réitéré n'est pas impassible. Il est profondément amoureux, qu'il s'adresse aux compagnes perdues ou au frère trop tôt disparu (dont les illustrations jalonnent le recueil). Mais surtout, cet effort n'est pas clos. Il nous inclut. On est exactement à l'opposé, avec Hubert Haddad, d'un intimisme solipsiste, donc mortifère. Parce qu'au fond, ce n'est pas tant « lui » qui parle que « la clandestinité des choses » à travers lui : « Non le temps ne passe plus / pourtant j'ai cru l'entendre balbutier le premier vers / ici la mort raconte aux âmes confites / avec une voix inimitable / comment les anges tressent la corde des secondes / — matins, cieux et nombres —. » Le temps, l'amour, la mort (et l'espoir de son possible effacement) composent une histoire dont le poète s'éprouve résonant. Résonance dans laquelle il nous invite à entrer à notre tour. En cela, ce beau livre est non seulement une aventure et une exploration. C'est également une leçon.

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