La décollation du raton-laveur, Fred Léal (1) par Nathalie Quintane

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12 mai
2024

La décollation du raton-laveur, Fred Léal (1) par Nathalie Quintane

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La décollation du raton-laveur, Fred Léal (1)



 

Léal revient, dans ce fort opus, à Selva ! (P.O.L., 2002) la Guyane, sa forêt, ses légionnaires déprimés ou chauds-bouillants, et une grosse fusée en prime, la bien nommée Ariane, puisqu’il s’agit de pénétrer, entre autre, un labyrinthe, labyrinthe de phrases coupées, tronquées en amont, en aval, dynamiques et dynamitées (oh combien !), de tous les corps (que de corps !), de tous les gras et de tous les secs, formant en dispatchant un récit haletant (les récits sont toujours haletants chez Léal, on est dans un blockbuster, ne jamais l’oublier), quelque chose entre le film de Claire Denis Beau travail et Jean Gabin dans Le Tatoué (les officiers vivent encore dans un Denys de La Patellière), un gramme de Piaf et un demi-gramme de Tintin, naturellement, le tout plombé en sous-couche moins par la température ambiante que par des sueurs trop-humaines (mais Léal est, avec Anne Parian, le poète qui se farcit peut-être le plus et en tout cas le mieux le refoulé, le non-à-dire). 

 

Donc ça commence comme au cinéma, portraits par flash de phrases, Massart le Suisse, Anton et son minois à la Delon, Majdiak le polack et son accent 

 

Z’est quoi, la péliode cleuze d’oune folêt, mon leut’nant ?

 

Le Colonel Piquemerle dit Pinochet, 

le Lieutenant Gil, blague ambulante dont on comprend qu’il a ordonné à Loyal, le toubib, le poète, de corriger systématiquement ses erreurs (parmi les passages les plus drôles du livre, par un effet de running gag

 

Qu’est-ce donc que ce bardage ? 

Badinage, mon lieutenant   

 

Et puis Farid, Kabyle et Algérien si discret qu’on a toujours l’impression qu’il se planque, grand absent et titre du livre : le raton laveur, c’est lui, légionnaire abonné au ménage, qui a décidé d’en finir avec la vie d’une manière on ne peut plus singulière et parfaitement adaptée au contexte et aux circonstances, soit en montant clandestinement dans la fameuse fusée (on est en plein dans les essais historiques, au milieu des années 90) et en s’y asphyxiant, dans l’obscur désir peut-être d’épouser la pulsion bien française d’envoyer tous les Arabes se faire voir dans l’espace. 

 

La mission de Loyal sera, dès lors, de l’y aider, en médecin forcément tordu et compatissant 

pas vraiment le profil du légionnaire tel qu’on l’imagine

ce qui le mènera à Toulouse et dans les bras de l’ingénieure Karine. 

Mais le personnage le plus étonnant est sans doute celui de Maria, pute joyeuse et joueuse, par qui viendra le fin mot de l’histoire. 

 

Accessoirement (quoique) on peut déceler dans ce texte quelques allusions voilées au groupe des poètes fin XXe/début XXIe 

 

régiment peuplé    d’autistes musclés

 

apparus avant certains réseaux sociaux (rarement détournés de leur usage promotionnel) et les vidéos inénarrables d’Appelle-Moi-Poésie (visionnage chaudement recommandé !)

 

Bref vous m’ordonnez d’avoir une com efficace

Alors que c’est mon tendon d’Achille

dit Loyal

avant de s’envoyer une énième Heineken©, authentique sponsor du livre (avec le C.N.L., toutefois). 

 

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