explications spatiales par Joseph Mouton
Cher Monsieur,
Je vous avais promis la poursuite de notre "dialogue" par (mon) écrit. Je tiens parole. Ne craignez pas pourtant que je donne une tournure polémique à mes explications ni que j'y réduise notre épais malentendu à votre seule surdité. Ne craignez pas non plus que j'abuse de votre patience (il est vrai que les personnes notablement paranoïaques se signalent souvent par la longueur de leurs récriminations).
Faisons court. Je suis un auteur susceptible comme la plupart des auteurs, et agressif quand on le "cherche". Normal.
Depuis le début de cette histoire de commande spatiale, les mauvais signes se sont accumulés de mon point de vue. Il y a d'abord un certain Jacques André dont on parle avec une déférence exagérée dans les mails et au téléphone, "Oh ! il faut que vous appeliez Jacques André... «a, ça dépendra de Jacques André... Comment, vous n'avez pas déjà pris contact avec lui ?" Administration mystérieuse dans laquelle le novice n'arrive pas du tout à repérer qui s'occupe de quoi, mais dont il perçoit surtout les relents plaisamment kafkaïens : Jacques André = Momus (si vous avez lu le Château).
La commande elle-même comporte de nombreux recoins obscurs. Par exemple, on a fortement conseillé à certains auteurs d'aller se renseigner sur le site du CNES. D'autres personnes prétendent qu'il faut absolument faire un écrit sur l'"espace" (c'est même inscrit quelque part dans le mode d'emploi). Et puis, il y a ces dix mots de la francophonie dont il faudrait s'emparer (pour quoi faire, grand Dieu ?)(les fameux dix mots de la francophonie sont une farce que seuls peut-être des instituteurs, des médiathèques éloignées et des alliances françaises peuvent prendre au sérieux). Résumons : je devrais donc écrire un texte sur - mettons - D…SIRER, en tenant compte du travail magnifique produit par le CNES, et en traitant de l'espace, le tout, est-il précisé dans le cyber-prospectus de présentation, en évitant les vulgarités du style science-fiction et tout ce qui pourrait se rapporter à l'espace sur le mode de la mythologie populaire. Il y a donc des bornes esthétiques.
Inquiétant, ou bizarre : le CNES se repentirait-il d'avoir eu embauché naguère des écrivaillons ou des imbéciles ?
Inquiétant, ou bizarre : le CNES se repentirait-il d'avoir eu embauché naguère des écrivaillons ou des imbéciles ?
J'écris mon "poème fragmentaire" en intégrant l'explicitation d'une partie de la commande et quelques-uns de mes échanges avec mes commanditaires (ou tenant lieu). Il m'arrive assez souvent d'opérer de cette façon : ce n'est pas une chose que j'aurais spécialement réservée à la commande du CNES. Puis viennent mes dialogues avec Jacques "Momus" André, - vous-même. Dialogues très étranges pour moi : à aucun moment, je n'arrive à savoir si Jacques André a lu mon texte, s'il en pense quelque chose et quoi dans ce cas. J'ai le sentiment de discuter avec une sorte de chef de bureau chargé d'arbitrer un match de littérature (mais qui pourrait arbitrer un match de tennis ou régler la tenue d'un gala de bienfaisance, puisque ses compétences y seraient aussi bien employées, qui sait ?). J'ai aussi le sentiment que les arbitrages pourraient ne m'être pas favorables, à la fin, parce qu'il doit exister un certain nombre de règles que Jacques "Momus" André fera en son temps respecter, mais que bien sûr, nous, les compétiteurs, ignorons. Par exemple, vous m'avez fait remarquer que D…SIRER n'avait pas été beaucoup choisi, sans m'expliquer que les dix mots de la francophonie devaient être répartis harmonieusement entre les auteurs (dont les noms ne m'ont pas été communiqués, cela va de soi).
Le temps passe, passe. Un jour j'apprends que mon texte est "retenu". Et je me dis : "mais où sommes-nous ? devons-nous encore passer d'autres épreuves qualificatives ?" Par parenthèses, vous voyez, cher Monsieur, combien l'ignorance où nous sommes tenus de tous vos mécanismes, organigrammes, cheminements et critères internes peut engendrer de la frustration et de la méfiance...
Un autre jour, j'apprends de vous, de votre voix inimitablement douce, neutre et insignifiante, qu'il faudrait modifier ceci, cela et enlever cela encore. Vous invoquez une loi (ou un règlement ?) contre l'auto-publicité du CNES. Nous restons dans le règlement. La seule incursion dans la littérature que vous vous permettiez consiste dans votre suggestion que débaptiser le CNES pourrait donner lieu à un amusant exercice de fiction. Or si vous avez lu mon texte (ce qui s'appelle lire), vous devez avoir compris que je fonde une partie de mon écriture sur le rapport au réel. Mais c'est comme si vous corrigiez d'une manière entièrement extérieure quelqu'un qui a contrevenu à un règlement qu'il ignorait, style "allons ! allons ! (avec une lenteur et une douceur mystérieuses qui font contraste avec l'autoritarisme de fond).
Sur la dernière partie de la "négociation", je passerai très vite. Voici juste deux remarques : premièrement, si jamais j'avais à choisir un négociateur pour n'importe quelle tractation, je préférerais prendre le premier venu plutôt que vous, tellement vous manquez d'empathie, de vivacité et d'envie de réussir ; deuxièmement, que vous vous entendiez le mieux du monde avec les auteurs féminins, who cares ? Allez dire ça à Gérard "Klam" Azoulay...
En bref, les choses se sont passées comme elles se sont passées. Un texte magnifique (à mon sens) vous est passé sous le nez. Finalement, je m'en réjouis.
Bonne continuation.