Hymne européen par Patrick Beurard-Valdoye
TROUVER DES engins de combat cette fois invisibles intangibles contre la langue cannibale qui n’ont pas pour but de dominer ni d’écraser sans cible ces mots sans tutoyer ne visant plus à avoir raison de cette page grise de texte illisible ces lettres
broyées du mauvais œil rangs d'alvéoles vides à perte de vue d'avion maisons sans toit boyaux de briques éventrés usées par l'eau d'un blanc de marge impérial puits de silence où par essaim les mots sonnent creux plaine lacs plaine lacs
et lilacs dévorés sylve de bouleaux à n'en plus finir derniers hêtres derniers livres ni de là ni vers là quel raffut et ce JE du refus Jonas s'échoue sur quelque littoral du dénouement pourquoi faudrait-il que du levant d'œil JE le vif du sujet soit
louange (l'Éternel qui me tient dans le creux de la main quand l'ombre retenue de la voix de l'ombre passe souvenir des morts lu des mains ramenant le sillage en hiver exhortant la winter storm Jonas année des cataclysmes en J ce nom
prestigieux moins pour apaiser la tempête que pour rassurer et qui faudrait-il sinon jeter à la baille tout un ban de noms avalé par la baleine voici que dans la baie d'Aphrodite l'écume ramène les abeaux d'un radeau de la méduse syrien les
fugitifs traduits en anonymes noyés d'espoir en d'inouïs rafiots renversés par l'ode d'Europe millionen enlacés rare échelle pour monter à bord d'une vague de joie le grand poisson ne porte pas plus de nom que l'ange de Jacob il n'en a un que dans le
ventre où Jonah désigne Shéol entraille cesse d'être shéol une fois Jonah régurgité sur la plage Yunus les mots ont une vie précaire les vieux baleiniers ne baptisaient les monstres cachaleux que pourchassés jusqu'au trophée d'esprit nul nom de
couleur pour les pâturages mentaux inondés houle molto vivace des cordes crescendant Beethoven dites-nous comment vous avez surnagé par-dessus l'humaine écume et la vague scélérate Ombre-du-père-Ludwig ressentez-vous par le creux
de la main le ressac adagié sur le sable avec nos JE sur la plage ahuris et sans ouïe à notre tour pourquoi tutoyer l'ombre la nommer Ombre pourquoi donc l'Ombre n'aurait-elle de couleur que TERRE D'OMBRE BRÛLÉE