15 juil.
2002
"À ma Dryade" de J.P. Bobillot par Alain Frontier
FORET ENERGUMENE
La ligne, sur quoi reposent les lettres est une ligne fragile : plus d'une fois s'affaisse sous leur poids, comme si le sol venait soudain à leur manquer ; la lettre vacille, glisse, flotte un moment dans l'air, hésite, oscille entre sève et sylve, lutte et luette, mouette muette !... frêles fêlures !... Et ça vous dégringole jusqu'au bas du ça : wasserfall, petite cascade ("dévallant contre-bas / d'un glissant pas", dit Ronsard) ; Bobillot -Ronsard au confluent regarde l'eau couler, rebondir glouglou goutte à goutte d'un vers l'autre... Ah ! la troublante humidité ... Le résultat est que les mots prolifèrent et se croisent, se chevauchent, se superposent. Le titre le disait déjà ; de dryade à hamadryade (car cette forêt, pour n'être pas la forêt de Gastine, est peuplée de jolies déesses), il y a hama, qui en grec veut dire : ensemble, à la fois. Le texte est une forêt, Bobillot dit qu'il en oublie sa langue, des bouts de grammaire s'accrochent aux branches. Mais n'allez pas croire qu'il s'y perde ! Pas du tout ! Bobillot domine le chaos très bien. Sait très bien où il est et qui y rencontrer (il s'agit, vous l'aurez compris, d'un poème érotique). Ne vaticine pas - un poète n'est pas un prophète, nous disait naguère Eric Clémens, il ne faut pas confondre ! ni un rêveur !- Tonitruant, sans doute, à la François Dufrêne, par exemple quand il scande : "muse hard ? chat mad ?"), énergumène, soit ; mais parfaitement contrôlé (l'humour, qu'on appelle ça, je crois). Garde les pieds sur terre quand sa phrase s'envole. A preuve la manière dont il articule : ce n'est pas mou, ni pâteux, c'est net, c'est précis. L'articulation jubilatoire, incisive d'une langue inouïe et incompréhensible, enfin - comme un vrai langage.
La ligne, sur quoi reposent les lettres est une ligne fragile : plus d'une fois s'affaisse sous leur poids, comme si le sol venait soudain à leur manquer ; la lettre vacille, glisse, flotte un moment dans l'air, hésite, oscille entre sève et sylve, lutte et luette, mouette muette !... frêles fêlures !... Et ça vous dégringole jusqu'au bas du ça : wasserfall, petite cascade ("dévallant contre-bas / d'un glissant pas", dit Ronsard) ; Bobillot -Ronsard au confluent regarde l'eau couler, rebondir glouglou goutte à goutte d'un vers l'autre... Ah ! la troublante humidité ... Le résultat est que les mots prolifèrent et se croisent, se chevauchent, se superposent. Le titre le disait déjà ; de dryade à hamadryade (car cette forêt, pour n'être pas la forêt de Gastine, est peuplée de jolies déesses), il y a hama, qui en grec veut dire : ensemble, à la fois. Le texte est une forêt, Bobillot dit qu'il en oublie sa langue, des bouts de grammaire s'accrochent aux branches. Mais n'allez pas croire qu'il s'y perde ! Pas du tout ! Bobillot domine le chaos très bien. Sait très bien où il est et qui y rencontrer (il s'agit, vous l'aurez compris, d'un poème érotique). Ne vaticine pas - un poète n'est pas un prophète, nous disait naguère Eric Clémens, il ne faut pas confondre ! ni un rêveur !- Tonitruant, sans doute, à la François Dufrêne, par exemple quand il scande : "muse hard ? chat mad ?"), énergumène, soit ; mais parfaitement contrôlé (l'humour, qu'on appelle ça, je crois). Garde les pieds sur terre quand sa phrase s'envole. A preuve la manière dont il articule : ce n'est pas mou, ni pâteux, c'est net, c'est précis. L'articulation jubilatoire, incisive d'une langue inouïe et incompréhensible, enfin - comme un vrai langage.