Amélie Hamad, Vénus rétrograde par Johan Grzelczyk
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Amélie Hamad écrit de la poésie l’air de rien. Mais en sachant très bien ce qu’elle fait. Elle l’écrit avec les mots du quotidien mais s’emploie efficacement à leur offrir de nouveaux contextes, de nouveaux vers et à ne pas les mettre tout à fait à leur place, à les désordonner. Non pas pour créer le chaos et s’offrir à bon compte l’illusion de le maîtriser, mais simplement parce « qu’on a [bien] le droit de s’amuser avec les mots ».
Entendons-nous bien, ça n’est pas la franche rigolade pour autant. Car Amélie Hamad n’en fait pas mystère, ça ne va pas fort… Et surtout, elle le revendique, elle veut « rester malade ». Elle « refuse d’aller bien », parce que « la belle vie des gens comme vous, [elle] en veut pas », docteur Foussart !
Ce n’est pas pour autant qu’elle raffole de la sienne, notez-le bien. Mais c’est qu’aussi invivable soit-elle, on y tient quand même à notre vie, n’est-ce pas ? Et qu’on a bien le droit d’en faire autre chose que de « conduire un monospace et [d’]emmener [sa] petite famille en voyage ». Quoi d’autre me direz-vous ? Eh bien peut-être peindre « un tableau […] pas terminé » que l’on ne peut « ni jeter ni peindre par-dessus » et qui va « rester là pour l’éternité ». Ou acheter « une bouteille […] d’un alcool qui brûle la trachée / qui ne servira à rien / parce qu’on ne cuisine pas au saké ». Ou aller « aux concerts de Grindcore » parce qu’« on le sait / parfois il faut juste arrêter de réfléchir », n’est-ce pas docteur Foussart ?
Ou bien même écrire. Écrire comme bon lui semble. Parce que même si elle n’« aime pas quand c’est bien dit […] / Les sales vers sages / avec des rythmes et tout / avec des rimes et tout / avec des images / du genre / La terre est bleue comme / une orange / Purée la rage », ce n’est pas pour autant qu’elle va se mettre à « évite[r systématiquement ] les métaphores et se méfie[r] des comparaisons ». Si ce n’est que parce que dans son monde à elle les livreurs ont bel et bien « des sacs comme des glaçons » et les voyageurs des « valises comme des cercueils ».
Et puis aussi parce qu’on a bien le droit de ne pas avoir envie de ne plus avoir faim « de tout / tout de suite ». Le droit de vivre et d’écrire comme on veut plutôt que de se contenter de regarder les joues du docteur Foussart pendre et rosir « comme des tranches de jambon »…