27 juin
2007
Ouestern de Claire Guezengar par Nathalie Quintane
Si le secret de la poésie, c'est l'enjambement, comme l'a dit grosso modo Pierre Alféri il y a un sacré nombre d'années, le secret du roman contemporain, c'est la coupe, sous deux espèces fort diverses : premièrement, où couper ? (i.e. à quel "moment" dois-je passer à la ligne, ce qui se traduit forcément par un espace sur la page); deuxièmement, que couper ? (i.e. qu'est-ce que je dois supprimer). La plupart des romanciers coupent savamment (quoique parfois académiquement) en 1., mais semblent éprouver quelques difficultés aux abords du 2. (d'où l'abondance d'oeuvres pléthoriques, 300, 400, 500, 1000 pages ! qui contraignent le lecteur à alterner feuilletage type catalogue - pour savoir ce qui va se passer - et fragments de lecture plus ou moins attentive). Romanciers d'aujourd'hui comme d'hier : l'intégrité physique du texte n'est qu'une métaphore possible de votre intégrité ! En supprimant certains passages, vous ne vous coupez pas une jambe ! ni un bras ! ni un doigt ! Et vous rendez service au lecteur - merci pour lui.
Avec Ouestern, le lecteur (reconnaissant) tient enfin un auteur qui a su couper, en 1. et en 2. Ouestern est un roman de bagarres : bagarre familiale autour d'un héritage, contée à la manière d'un senior de Oliveira breton (" Ma tante a dit à sa soeur (ma mère) et à son frère (mon oncle) qu'il devenait urgent de faire des travaux car sinon la maison allait finir par s'écrouler ."), condensé de ces redoutables et fameux conflits familiaux, dont Guezengar a su tenir constamment le fil tragique et drôle (personne n'est épargné, ni la tante - l' " enculée" de l'histoire -, ni la narratrice, qui n'apparaît pas forcément sous son meilleur jour); bagarre d'un Western filmé, placée en miroir (sur les pages de droite) d'un récit premier (le Western "à l'Ouest" des pages de gauche), constituant ainsi une sorte de duel textuel qui se résout en duo, les deux s'épousant presque au final (on assiste alors à une sorte de contamination du cliché : ce n'est plus tant le Western qui est de pacotille que la guerre bien familiale et bien française : " Un officier allemand s'était pris d'affection pour ma mère qui était petite (six-sept ans). Il devait avoir des enfants de mon âge en Allemagne dit ma mère quand elle raconte ça. L'enculée (huit-neuf ans), qui n'avait pas eu les faveurs de l'Allemand, traitait ma mère de "collabo". ").
Enfin un livre juste dont on n'a pas envie de sauter des pages.
Avec Ouestern, le lecteur (reconnaissant) tient enfin un auteur qui a su couper, en 1. et en 2. Ouestern est un roman de bagarres : bagarre familiale autour d'un héritage, contée à la manière d'un senior de Oliveira breton (" Ma tante a dit à sa soeur (ma mère) et à son frère (mon oncle) qu'il devenait urgent de faire des travaux car sinon la maison allait finir par s'écrouler ."), condensé de ces redoutables et fameux conflits familiaux, dont Guezengar a su tenir constamment le fil tragique et drôle (personne n'est épargné, ni la tante - l' " enculée" de l'histoire -, ni la narratrice, qui n'apparaît pas forcément sous son meilleur jour); bagarre d'un Western filmé, placée en miroir (sur les pages de droite) d'un récit premier (le Western "à l'Ouest" des pages de gauche), constituant ainsi une sorte de duel textuel qui se résout en duo, les deux s'épousant presque au final (on assiste alors à une sorte de contamination du cliché : ce n'est plus tant le Western qui est de pacotille que la guerre bien familiale et bien française : " Un officier allemand s'était pris d'affection pour ma mère qui était petite (six-sept ans). Il devait avoir des enfants de mon âge en Allemagne dit ma mère quand elle raconte ça. L'enculée (huit-neuf ans), qui n'avait pas eu les faveurs de l'Allemand, traitait ma mère de "collabo". ").
Enfin un livre juste dont on n'a pas envie de sauter des pages.