Horcynus orca de Stefano D’Arrigo par Michaël Moretti

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24 janv.
2024

Horcynus orca de Stefano D’Arrigo par Michaël Moretti

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Horcynus orca de Stefano D’Arrigo

Maximus orca

 

Arrigo Vespucci

 

« Réponse européenne à Moby Dick » affirma le critique George Steiner. C’est peu de le dire. Horcynus orca est encensé par Pasolini, Primo Levi, Magris, Camilleri et Saviano. Ce roman-monde, ce pavé de plus de 1300 pages oscille entre Melville et Joyce en passant par Héraclite, Homère, Hölderlin, - sur lequel l’auteur, D'Arrigo, a soutenu sa thèse en uniforme de caporal -, Zanzotto, Malaparte et Hans Henny Jahnn. Horcynus orca est l’un des livres les plus importants du XXe siècle.

 

Quatre jours, trois parties

 

04 octobre 1943. Après l'éviction de Mussolini, le roi d'Italie signe un armistice en Sicile, envahie par les Alliés. Le peuple napolitain se révolte contre l’occupant allemand : ce sont les Quatre jours de Naples. C’est un entre-deux, entre Alliés et fascistes encore en guerre, Allemands s’accrochant, déserteurs, Etat délité, entre terre et mer. 'Ndrja quitte Naples et, entre Charybde et Scylla par le détroit de Messine via la Calabre, rejoint son père. Tout se déroule en quatre jours. Dans une première partie, histoire et mythologie se lovent, dans une ambiance à la Malaparte, au cours de rencontres à l'Arétin avec des femmes, (les « féminautes » comme Portempédocle, Midipile ou Boccadoble, et leurs « couffes »), des contrebandières, une magicienne, des sirènes, des soldats et des pêcheurs locaux, sur fond de trafic. La deuxième partie est l’occasion du nostos, des retrouvailles avec le père, de la lutte avec l’orque puant, « énormanimal », la « fèrorque orcineuse », et un long monologue à la Joyce de ’Ndjra. « L'orque symbolise la résistance de la vie contre la mort, de l'individu contre la collectivité, des vivants contre les défunts, du libre arbitre contre la volonté imposée, de la chair contre l'esprit, de l'instinct contre la raison, de l’irrationnel contre le rationnel. » selon D'Arrigo (1983). Orque métaphysique. La troisième partie évoque la guerre et le flanc acéré de l’orque par un harponneur puis par les « fères », ces dauphins vengeurs.

 

Horcynus pour Orcinus orca en zoologie : le journaliste, critique d’art, proche du peintre Renato Guttuso (1911-1987), d’Ungaretti et Flaiano, et acteur secondaire dans Accattone de Pasolini (1961), sait que le y n’existe pas en italien. Mélange poétique, à la Gadda ou Zanzotto, de sicilien, napolitain, calabrais, crespinais, maltais, grec ancien et byzantin, néologismes, de références bibliques, de héros médiévaux, Roland ou Renaud à l'Arioste, de l'Opera dei Pupi, le théâtre des marionnettes sicilien, du vocabulaire océanographique et volcanologique. Le cerveau s’adapte rapidement à cette nouvelle langue fluide. Passé le « finimonde », nous franchissons les colonnes d’Hercule de la langue.

 

Le roman du roman

 

Dans les années 1950, D’Arrigo publie Testa delfino (« tête de dauphin »). Une centaine de pages paraissent en 1960 dans la revue d’Italo Calvino et Elio Vittorini, Il Menabo. L’éditeur Mondadori le supplie à genoux. La correction d’épreuves doit durer quinze jours ; ce sera quinze ans sans s’arrêter, à se rendre fou et à user sa santé. Seul le fils Mondadori verra la mythique couverture bleue sortir le 27 février 1975 : 80 000 exemplaires. Les tirages se succéderont. La première traduction sera allemande. Voici désormais la belle traduction française de Monique Baccelli et Antonio Werli, puisant, entre autres, dans le bourguignon et le provençal.

 

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/l-entretien-litteraire-de-mathias-enard/creer-une-langue-singuliere-entretien-avec-le-traducteur-antonio-werli-4663973

 

 

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