anima(s) version(s) de Jessica Gallais par Jean-Paul Gavard-Perret
À bout de souffle
De partout dans ce texte anti-claudélien les mots deviennent le trait vagissant des chutes que le désir entraîne. Il est bien autre chose qu’un os de seiche mangé par les malfrats. Loin des guipures, des clichés, des clignotements d’enseignes la poétesse déplace le chant d’Eros. Entrer dans le désir revient à entrer dans les vagues. Elles dessinent l'axe phallique et hors champ un sourire. Le centre des choses se met à tourner. La charnière entre les sexes dessine l'envers du visible en posant diverses questions: “ Que devient le regard quand la lumière s'absente ? Que voit-on dans l'ombre de la chambre où les amants se prennent ? Que voit-on de leur ombre ? et surtout : Que voit-on dans les mots ?
Ils affectent ici la visibilité du monde et son intelligibilité. Liant les deux sexes de manière vertigineuse, le phallus engloutit la vulve où il est lui-même englouti, tous deux conduisent de l'obscur à l'illimité en explorant les envers d'une réalité dont la face lumineuse ne contient pas tous les secrets. L'intimité avec l’inespéré voire l’impossible, voici ce qui "suffit" : celui qui reste inséparable de l'imprévu de la ressemblance que les êtres ignorent encore, toujours.
La sexualité comme le langage reste le lieu de l’insécurité puisque ce qu’on y découvre permet aussi d'y discerner de découvrir une peur dont il faut apprendre à reconnaître les arpents de lumière arrachés à l’obscur. L’auteure rappelle combien il serait nécessaire d’apprivoiser cette clarté qui couve dans les cendres toujours inachevées et encore incandescentes. Cela ne peut laisser indemnes et tirerait des larmes (si le poétesse tombait dans le lyrisme) en cette entente avec l’inespéré que laisse émerger la vérité de ce grand Mystère devant lequel aujourd'hui comme hier et bien moins que demain chacun reste démuni.