Autres courants de Philippe Jaffeux par Jean-Paul Gavard-Perret

Les Parutions

17 janv.
2015

Autres courants de Philippe Jaffeux par Jean-Paul Gavard-Perret

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   Evoquer le rien n’est en rien implicite. Cela implique une logorrhée  qui explore dans les "Autres courants"  les octets "petits nains de l'espace cérébral" que sont devenus l'ordinateur et ses neurostimulations. "Le chaos prend la forme d'un rectangle céleste" mais il n'est pas plus préhensible pour autant. Au contraire. Au mieux il permet non d'explorer le monde mais celui de l'alphabet. Prenant la place de la page  l'écran met en scène un jeu de rôle où "l'acteur" est le condamné attaché à une "liberté enchaînée" à un alphabet cosmique. La danse des lettres entraîne une chorégraphie où une crise de langage et de l'image est implicitement programmée sans que la solution soit perceptible. Dès lors le seuil n’est pas ce que l’on croit : on n’entre pas dans le néant, on le devient. Il faut donc rappelle implicitement Jaffeux,  rester sur ce seuil qui n'en est pas vraiment un. La seule manière de toucher à l’extase du sens est non de s'enfermer dans la clôture de  la machine mais de celle du monde. Il faut donc savoir rester sur le seuil devant ce rien ou ce tout  : l'un et l'autre donnent  la valeur la plus haute à la vie comme aux mots. Ils nous font signes. Encore faut-il savoir les maîtriser. A l'heure qu'il est cela est impossible et c'est pourquoi Jaffeux multiplie ses propres "écrans" qui deviennent le contre-discours à celui que propose le fonctionnement de la machine qui a déjà échappé à la maîtrise humaine sans que l'on ose le rappeler.

    Jaffeux rappelle qu'il n’y a plus guère d’énoncé individuel. Certains assurent qu'il n’y en a jamais eu. Alors disons qu'il y en encore moins au moment où tout le monde se pique de croire communiquer."Autres courants" et ses dynamiques sont là pour le rappeler. L’écriture est le produit d’un agencement machinique qui remplace celui de l'inconscient. Le nom propre n'y désigne plus un individu. C’est lorsque un individu s’ouvre aux multiplicités qui le traversent de part en part en vertu d’un exercice de dépersonnalisation et de dépense qu’il acquiert son véritable nom propre - appréhension d’une multiplicité. Mais Jaffeux rappelle combien cela reste complexe : "Le dromadaire se nomme dromadaire lorsqu’il en devient mille qui ricanent dans le ciel". En ce sens Freud  n’y a vu que du feu. Quand l’homme aux loups évoqua des chevreaux,  Freud  lui rétorqua en substance  : je retire les chevreaux, il reste un loup c’est donc ton père. L’Homme aux loups se sentit plus fatigué que jamais. Et l'homme du XXIème bien plus "mort" que lui.

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