13 poèmes taillés dans la pierre de Patrick Dubost par Carole Darricarrère

Les Parutions

09 juin
2019

13 poèmes taillés dans la pierre de Patrick Dubost par Carole Darricarrère

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Un coup de cœur, tombée instantanément en ivresse, au mitan de la nuit, sous l’équerre d’une averse lente, je cohabite en gants de velours dans la lecture ensorcelante d’un attelage de pierres, quantique d’un portail de minéralité levé de toute part ;

Vraie, est l’histoire vécue d’un poète, embrassant sans empressement, de résidence en résidence, tantôt « un théâtre de verdure » tantôt le grain têtu des pierres, découpé ici avec la sagacité immémoriale appliquée au bel art qui sied aux compagnons du devoir, ce qui a pour conséquence : petit a) que le temps prenne les allures d’un cheval de patience ; petit b) que chaque chose étant à sa place acquière immédiatement un supplément de valeur ;

Patrick Dubost, poète chamane qui jamais ne pèse sur le chant soliflore de l’oiseau, signe en lien et en lieu dans une réédition minérale qui a le privilège d’être aérienne, l’attente ornithologue de 13 poèmes graphiques, quasi grégoriens, charpentant sur le papier l’oralité d’une voie singulière ; faisant acte de présence il écrit à l’oreille, sur le fil d’une profondeur de regard, l’attention portée à une décroissance prolifère entée à la grâce des instants pérennes ;

Il s’ensuit que nous nous laissons aimanter par un profil de cohérence, élagué à la serpe le je au profit du on, « On/ dit/ « on »/ comme / on écrit/ sur/ le dos rond/ d’un moine » ouvre un chemin à l’un ; c’est ainsi, cela et simple, dans l’ordre des évidences oyez sa rondeur, son pouvoir d’adhérence, sa compatibilité non ostentatoire, ce droit de sympathie caméléonique équidistant de tous les règnes ;

Il ressort, paradoxe de l’air, que 13 ancres d’un chemin d’ascèse verticalisent le regard, sorte de chemin de Compostelle de l’Ordre des Chartreux, d’un méditant à l’œuvre dans le décompte vertueux d’une négation de temps ; 13 craies ; 13 chapelles blanc sur blanc obliquent la lecture vers un vœu de vérité, sentiment que le vide, élève le propos à hauteur d’une sobre célébration, cependant qu’un dispositif technique, sonore, visuel, poreux, s’agissant oui d’une porosité, reste, au sens du lit d’un profond repos, vivant corps et âme ;

Patrick Dubost respire avec le dénuement athée d’un apôtre qui s’ignore dans le on mathématique d’une empathie providentielle, il nous parle « du fond des yeux », regarde « du fond du silence », rabattant les mots entre les espaces prend pour le dire le chemin le plus court : « aujourd’hui    tout/immobile    impossible/mourir » (…) « On/ existe/ un peu/ plus/ quand/ on existe/ un peu moins/ dit un insecte/ occupé à courir » (…) ;

Mention spéciale pour le délit d’orfèvre de l’éditeur, Antoine Gallardo, boucher gaillard saigné à blanc de la collection ‘La feuille et le fusil’, prodigue en notations élégantes au nom des éditions La Boucherie Littéraire, dans un duo gris perle et pistache en miroir duquel même la mort, s’innocente avec la force tranquille des détachements ;

Voici donc, don sensoriel d’une poéthique, 13 niches terreuses foulées en creux dans la craie contemplative des contreforts, 13 méditations subtilement antispécistes, petits papiers païens à réciter à la lune ou à laisser fondre sous le soleil béat de la langue.

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