des rendez-vous d'Isabelle Bonat-Luciani par Carole Darricarrère
Au commencement était le corps ; étai le corps ; été tout schuss tout court le corps ; comme un livre dans le livre, un occupant grandeur nature, le corps nu à deux est dieu tout-puissant, projet poétique à part entière, objet de contagion, le corps de jouissance, tire de son sommeil le voyeur au secret qui jouit en chacun de nous, hypnotise la Littérature, met à cran le Poème, qui emprunte à la Littérature sa vaisselle clitoridienne pour parler sans pudeur des figures composées du Corps défendu, un déjeuner de soleil qui n’a pas froid aux yeux.
C’est un tout petit livre, écrit à poil sous extasie à tous les temps, un passeport pour l’été, une sorte de bikini qui ne dit jamais non, se fait & se défait et va & vient façon break dance avec, en guise de feuille de vigne, une odalisque de couverture de Frédérique Breuil qui ne passe pas inaperçue.
Il commence comme une profession d’amour au bon goût d’initiation au loup adultère dont le sens du devoir butine hors piste sans jamais atteindre le cœur et dont le lecteur n’apercevra que la queue ; et se termine mal, comme toutes les vraies fausses histoires d’amour, à sens unique, pourvu que le corps de vie et de mort si lyrique, de 5 à 7, s’y éros, enfin exulte !
Dans le cocon extraconjugal détouré d’une temporalité, lire tête-bêche le corps en l’air comme par procuration d’énergie l’étreinte génitale à fleur de rendez-vous du con damné, écouter voir la petite musique trentenaire du clip de vague à l’âme de la jeune femme révélée « mouillée vivante » dead alive de la genèse.
Il y a de la « cyprine » dans le vocabulaire, c’est écrit noir sur blanc, des litres de lubrifiant oups façon rap contemporain, du Damso accro de ketchup rouge noir, tribut du vagin à la lignée des poètes en mal de libido, parallélépipède psychogénéalogique à trois faces - elles (cohabitent en) lui -, sommet à double tranchant papa:maman rien que pour elle, ajoutez-y un certain nombre d’arêtes rejouant ad vitam aeternam la faute originelle de génération en génération au fur et à mesure que le propos se fourvoie de la « fente » à la « blessure », de la fusion au manque et de la jouissance au souvenir de la jouissance en tension de tattoo débandant in extenso dans une douleur exquise.
Au pays de la pomme d’Adam et de la Fâaamme, du serpent autobiographique et de l’arbre autofictionnel, loin après la mort de Dieu, il et elle ne nous sont pas étrangers tant ils nous ressemblent ; leur histoire s’écrit à corps perdu, tel un retour de flamme servi saignant à l’imparfait,
se lit de préférence cheek-to-cheek
avant pendant ou après la sieste,
tel un appetizer
en forme de
poème d’apprentissage,
si tant est que ce genre
se perpétue ailleurs que dans le roman.
Il n’y a pas lieu de tourner autour du pot ni de vous faire un dessin, l’autrice, Isabelle Bonat-Luciani dite ’IBL’, n’a pas peur d’appeler un chat un chat. La messe est dite, d’un kamasutra festif lacrymofeutré qui ne renverse jamais les rôles et enferme la femme dans un carcan de bleus à l’âme, parturientes et thérapies : plus impénétrable est la queue, plus sombreuse, plus dure sera la Chute.
Qu’est-ce que l’on attend pour « naître que toi », « sans promesses et sans rien », dirait l’Élu aux « pas renoncés », lui ce roi premier dont l’absence accomplie fait de lui entre tous et à jamais un dieu, lui ailleurs, à distance de lui-même et en miroir du poème, s’il existe, à quoi pense-t-il, pendant qu’elle, born dead « à la naissance du verbe », peine en résilience et que ne reste plus de lui
« (…)
à peine
l’idée de ta queue dans ma bouche
ma langue
un mot
à peine
mouillée de ma langue sur ta queue
je prends
un mot
mouillée
de toi
ta main
la mienne
l’idée de ta main et la mienne
(…) »
Au commencement est la pierre d’angle d’un mot manquant.