Jacques Josse, Des escapades rouge et noir par Jean-Claude Leroy

Les Parutions

06 mai
2022

Jacques Josse, Des escapades rouge et noir par Jean-Claude Leroy

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Jacques Josse, Des escapades rouge et noir

Jacques Josse en chroniqueur des amateurs des joueurs rouge et noir

 

 

On connaît Jacques Josse comme poète et comme minutieux portraitiste du petit peuple de Bretagne ou d’ailleurs, le voici plus exactement chroniqueur d’une société d’aficionados, les amateurs de ballon rond, les férus du Stade rennais. Modestes autant qu’enthousiastes, ils ne vont pas forcément route de Lorient soutenir sur place les rouge et noir, mais suivent leurs exploits depuis le café de coin, ou encore écoutent le déroulé des matchs via les soirées multiplex de la radiophonie. À commencer par le père de l’auteur, dont on trouve un portrait émouvant dans Débarqué, présenté ici dans la peau d’un fidèle du football, et spécialement des joueurs du Stade rennais. Lecteur notamment de Pierre Loti ou d’Erskine Caldwell, au terme d’une journée de travail, il enchaînait facilement dans la même soirée le suivi d’un match familier débouchant d’un transistor avec un roman qui le transportait au loin.

La communauté des supporters sédentaires existe sans se connaître vraiment, elle est répartie dans toute la Bretagne :

« Des hautes falaises de Plouha jusqu’aux chicots rudes des Monts d’Arrée, en bifurquant par les presqu’îles de Rhuys, de Quiberon, de Crozon ou de Lézardrieux, dans le secret des granges ou des celliers humides, dans la poussière des hangars ou des ateliers, dans les cuisines et les mansardes, vivait une étrange communauté dont les membres, quelques milliers, qui parlaient breton, gallo ou français, ne se rencontraient jamais. » (p. 16)

Jacques Josse évoque aussi les conversations sur le lieu de travail, et c’est une des rares fois où il évoque le centre de tri postal qui fut son cadre de vie des années durant. Des conversations qui choisissent volontiers le sport pour thème, football de préférence. Par exemple, pendant les temps de grève autour d’un feu de palettes, au moment d’un débrayage, quand les saillies affectueuses des amateurs de tel ou tel joueur lui rappelle son père, qui vient comme se mêler au creux de cet interlude. Fantôme toujours présent, celui qui s’offrait de sportives parenthèses d’évasion, des parenthèses dont Jacques Josse fait d’ailleurs un certain usage dans ce texte, leur conférant un rôle loin d’être négligeable, celui d’apporter la précision qui tue. Ainsi dans l’ouverture de cette chronique, où, avec humour, il se présente lui-même en pitoyable footballeur, rapportant un épisode de contre-initiation tout à fait explicite. La clef de l’épisode se trouvant justement camouflée entre deux signes en forme de bouclier.

Outre des humeurs de supporters, ce sont bien sûr des joueurs que l’on croise ici, leur patronyme évoque magiquement le terroir, comme ce Kéruzoré, que l’un des personnages semble avoir dans le nez, qui fut pourtant un excellent milieu de terrain (doublé d’un gauchiste de choc, ce qui lui causa des déboires), ou encore Guivarc’h, Prouff, Floch, Gourvennec, Kerbiriou, Guermer, etc. Mais il y a aussi les recrues arrivées d’ailleurs, tel ce Laurent Pokou, dont je n’avais jamais entendu parler, de l’avis général le meilleur joueur de l’histoire du club et le préféré de l’auditeur à transistor qui a vu grandir un certain… Jacques Josse. « Planteur de but », ce Pokou, affublé de divers surnoms chaleureux : « Bill Poc, Ballon fatché, Dix pieds, L’empereur baoulé, ou l’homme d’Asmara. »

« À ses côtés, dans le panthéon du football rennais, figurent quelques autres renards des surfaces de réparation qui s’invitent, subrepticement, dans les conversations, les soirs où la nostalgie joue les prolongations dans les bars, juste après la débauche, quand les tournées d’apéros délient les langues. » (p. 26)

Dans ces pages chaleureuses où l’on sent nettement la proximité qu’entretient leur auteur avec les personnages qu’il ressort de sa mémoire, on croise inévitablement, le poète ne se refait pas, les noms de quelques figures de la poésie qui aimaient le football, Georges Haldas, Franck Venaille, Dominique Labarrière, Georges Perros, qui a rédigé un certain nombre de compte-rendus de match réunis par la suite dans un livre paru chez Ubac en 1992.

Parmi les plus récents exploits des rouge et noir, il y a la victoire en 2019 de la coupe de France face au Paris Saint-Germain, un événement dont Jacques Josse n’oublie pas de témoigner, en téléspectateur comme en frôleur-expert de bistros et d’ambiance. Et il n’oublie pas non plus, au passage, d’avaliser la thèse de Georges Haldas pour qui le goût des hommes pour le football ne peut s’expliquer que par un retour à l’enfance…

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