10 oct.
2007
Phèdre et le baiser d'Avignon par Christian Bernard
La femme qui a posé ses lèvres enduites de rouge sur une toile de Cy Twombly a évidemment commis un acte intellectuellement stupide, moralement arrogant, esthétiquement ringard et affectivement ridicule. Dans une époque où l'existence médiatique subsume toute idée d'existence, il n'est pas surprenant que cette minuscule affaire ait pris les proportions que l'on connaît.
Tout est affligeant dans cette histoire. D'abord, cette dite « jeune femme » est dotée d'un « conseiller artistique » qui s'exprime en sa défense. Est-elle une artiste, comme on croit le comprendre ? Mais qu'est-ce qu'un(e) artiste flanqué(e) d'un conseiller artistique sinon une mauvaise plaisanterie ?
Ensuite, le tableau baisé est décrit comme un monochrome blanc appartenant à un triptyque, lui-même partie d'un polyptyque de onze pièces intitulé Dialogues de Platon. J'ai du mal à croire, n'ayant pas vu cette oeuvre, que la toile maculée ait été aussi immaculée que le dit la presse. S'agissant de Twombly, il devait bien y avoir quelques traces du passage de l'artiste sur la surface.
Enfin, le directeur de la Collection Lambert, bien dans son rôle, s'offusque au dernier degré et saisit bientôt la justice. L'oeuvre dénaturée est retirée, comme il convient, de l'exposition, tandis que la presse informée s'excite sur les deux millions de dollars que valait la chose avant le délit. Bientôt, de grands personnages font publiquement part de leur émoi et s'inclinent pieusement devant la figure considérable de l'artiste. Morose et risible enchaînement.
Que cette Rindy soit ou sotte ou cynique n'est guère douteux. Ce qui me paraît contestable, en revanche, c'est, par exemple, la cote artistique et financière de Twombly, qui n'est certes pas un peintre négligeable mais qui n'est sûrement pas l'artiste majeur que l'on prétend. Ses fréquentes références à l'Antiquité grecque sont presque aussi pompeuses et dérisoires que celles de Kiefer à Paul Celan : onéreuses baudruches de la déploration distinguée.
Ce qui me paraît également décevant, c'est que l'artiste, dans sa souveraineté attristée, ne semble pas envisager l'hypothèse de remédier lui-même à la dégradation qu'il regrette. Je connais maints exemples du contraire.Je sais que ces propos déplairont à quelques corporations voisines mais je sais également que les gesticulations des différentes parties prenantes de cette affaire ont peu de chances d'être portées au crédit du petit monde de l'art contemporain.
Tout est affligeant dans cette histoire. D'abord, cette dite « jeune femme » est dotée d'un « conseiller artistique » qui s'exprime en sa défense. Est-elle une artiste, comme on croit le comprendre ? Mais qu'est-ce qu'un(e) artiste flanqué(e) d'un conseiller artistique sinon une mauvaise plaisanterie ?
Ensuite, le tableau baisé est décrit comme un monochrome blanc appartenant à un triptyque, lui-même partie d'un polyptyque de onze pièces intitulé Dialogues de Platon. J'ai du mal à croire, n'ayant pas vu cette oeuvre, que la toile maculée ait été aussi immaculée que le dit la presse. S'agissant de Twombly, il devait bien y avoir quelques traces du passage de l'artiste sur la surface.
Enfin, le directeur de la Collection Lambert, bien dans son rôle, s'offusque au dernier degré et saisit bientôt la justice. L'oeuvre dénaturée est retirée, comme il convient, de l'exposition, tandis que la presse informée s'excite sur les deux millions de dollars que valait la chose avant le délit. Bientôt, de grands personnages font publiquement part de leur émoi et s'inclinent pieusement devant la figure considérable de l'artiste. Morose et risible enchaînement.
Que cette Rindy soit ou sotte ou cynique n'est guère douteux. Ce qui me paraît contestable, en revanche, c'est, par exemple, la cote artistique et financière de Twombly, qui n'est certes pas un peintre négligeable mais qui n'est sûrement pas l'artiste majeur que l'on prétend. Ses fréquentes références à l'Antiquité grecque sont presque aussi pompeuses et dérisoires que celles de Kiefer à Paul Celan : onéreuses baudruches de la déploration distinguée.
Ce qui me paraît également décevant, c'est que l'artiste, dans sa souveraineté attristée, ne semble pas envisager l'hypothèse de remédier lui-même à la dégradation qu'il regrette. Je connais maints exemples du contraire.Je sais que ces propos déplairont à quelques corporations voisines mais je sais également que les gesticulations des différentes parties prenantes de cette affaire ont peu de chances d'être portées au crédit du petit monde de l'art contemporain.