30 janv.
2009
Vérité de la poésie par Christian Bernard
Mardi vingt janvier, dix-huit heures, France deux, retransmission de l'investiture de Barack Hussein Obama. Les officiants de la cérémonie se succèdent à la tribune. Une sénatrice californienne assure présentations et transitions. Un pasteur blanc qu'on dit controversé et ultra-conservateur ouvre le ban, Aretha Franklin qui n'a plus beaucoup de voix prend la suite, and so on, pâlot falot représentant de l'Utah compris, prestations de serment du vice-président puis du quarante-quatrième président, brève pièce musicale commandée à cet usage, orchestre « à l'image des USA » : violoniste blanc, violoncelliste d'origine chinoise, pianiste femme-et-latino d'origine vénézuélienne, clarinettiste noir des quartiers pauvres de Chicago-ville-du-néo-président, discours inaugural de BHO, poème, lui aussi, mais fait rare, commandé pour la circonstance à Elizabeth Alexander, belle métis de rouge vêtue, bénédiction finale par un vieux pasteur noir de type progressiste. Tout roule, émotion de masse, généralités généreuses, traductions approximatives. Sauf qu'au moment où BHO vient d'achever sa première adresse urbi et orbi officielle et que la poétesse, toute vibrante de ce qu'elle incarne à cet instant où elle succède à Robert Frost, commence à lire-dire (et non pas déclamer comme croit cultivé de le dire une voix off) son texte, Marie Drucker, l'ineffable glaciale, s'impatiente et estime en direct que c'est l'occasion de commencer à commenter les déclarations présidentielles. Personne sur le plateau pour s'étonner de cette interruption. Mais dès que le pasteur final prend la parole, retour à la normale et retraduction lacunaire des niaiseries espérantes. La chaîne publique, fraîchement émancipée de l'emprise prosaïque de la publicité, aura donc jugé bon de tout traduire sauf le poème.