20 mars
2009
Christian Prigent, quatre temps par Samuel Lequette
Prigent par Lui-même
Neuvième volume d'une collection qui semble, lors de chaque parution, gagner en consistance et montrer la réussite de son projet, Christian Prigent, quatre temps est un livre de dialogue entre l'auteur et l'écrivaine et universitaire Bénédicte Gorillot (qui avait déjà participé à Le Sens du toucher, paru en 2008 aux éditions Cadex) - quatre scansions interrogatives d'une histoire : celle de la formation d'un écrivain et d'une œuvre qui compte parmi les plus importantes de notre époque.
Comme jadis les collections « découverte » de poésie chez Seghers (« Poètes d'aujourd'hui ») ou au Seuil (« écrivains de toujours »), ce livre riche, rude sans être aride, peut-être lu avec plaisir par un lecteur qui ne connaîtrait pas l'auteur et son œuvre.
Côté textes : poèmes et proses courtes inédites, fragments d'essais, extraits de lettres et textes circonstanciels, reproductions de pages manuscrites. Côté images : dessins et tableaux de Christian Prigent, photos de famille (le père, la mère, les grands parents, les enfants) et d'amis (Valère Novarina, Pierre Le Pillouër, Alain Frontier, Jean-Luc Steinmetz... ), photos d'enfance et de Vanda.
Le livre joue du présent de tous les temps - des tremblés de la mémoire objectivée-fantasmée : anecdotiques bouts d'enfance, lieux qui sont des sites mentaux et affectifs, morceaux de mythes intérieurs.
Répondant aux questions de Bénédicte Gorillot, Christian Prigent ne perd pas sa langue, l'oral-écrit, comme il l'écrit et comme il le parle, est tenu, dense et complexe - à la hauteur de l'œuvre. Rien ici qui puisse sembler attifé ou bavard.
Ce livre ne veut pas faire de Christian Prigent un philosophe ou un psychanalyste, ni le dernier héraut vivant des avant-gardes disparues ressassant d'anciennes taxinomies ; il tente, dans l'échange de paroles et par le commentaire, de formuler des équivalences de pensée et de langue qui ne font pas dire à l'auteur ce qu'il n'écrit pas mais se tournent au contraire vers un « ordre intelligible » de l'œuvre. Par son volume même, il rend compte de son é-normité.
En s'attachant à des écrivains accomplis mais dont l'œuvre est toujours en travail, la collection Les Singuliers pose de fait des questions touchant à la reconnaissance sociale et littéraire. Sa forme dialoguée et documentée alterne avec sensualité prosopographie et socio-biographie.
Par son œuvre poétique et critique, Christian Prigent est sans doute, avec Denis Roche et Pierre Guyotat, l'un des écrivains qui a le plus marqué les jeunes (et moins jeunes) générations écrivant aujourd'hui, ne serait-ce que parce beaucoup se sont positionnés par rapport à lui ; ceux qui s'en réclament, et ceux qui voudraient bien liquider l'œuvre d'un revers de formule s'accordant malgré tout dans leur jugement sur la place indéniable que l'auteur occupe dans l'histoire récente de la littérature en France. En témoigne au plan symbolique la valorisation de son œuvre par de nombreuses instances et institutions de légitimation mais aussi le nombre croissant de commentateurs attitrés et de traductions.
Christian Prigent rappelle qu'avant de devenir un écrivain il a joué à en être un. Il caractérise et situe sans feindre honteusement la honte les enthousiasmes de ses premiers textes - les écrits « porno-poétiques » à quatorze-quinze ans, les poèmes ronéotypés donnés aux amis, ceux qui furent « influencés » par Guillevic et Frénaud, par la découverte des poètes publiés chez Seghers (Pierre Morhange) et dans la revue Action poétique - afin d'en re-saisir la traversée, le procès et les ratés, les hésitations et les poussées.
A propos de Power/Powder (paru en 1977 dans la collection « TXT » chez Christian Bourgois) :
« C'est un livre très « années 1970 ». Je le trouve aujourd'hui assez kitsch : des contorsions formelles autour d'un matériau d'actualité : des contorsions formelles autour d'un matériau d'actualité politique (l'affaire Lip, en 1974) ; un peu d'Artaud, un peu de Mao ; des obscénités zutiques, du « carnavalesque » forcé... Ca voulait faire des étincelles. Rétrospectivement lu, ça fait surtout pétard mouillé. »
Là où d'autres créateurs sacralisant leur geste auctorial taisent la scolarité et l'évolution intime de l'œuvre par une sorte de superstition narcissique, Christian Prigent sans posture d'humilité, et sans dénigrement affecté, tend à objectiver ses propres textes pour en faire apparaître la structure, les traits stylistiques et la facture - la manière. L'écriture est un « travail » - qui intégre « répétitions pasticheuses » et références - et l'œuvre ne répugne pas à montrer sa structure.
Spéculative (avec ses apories sur l'expérience de l'écriture et les modes de connaissance de l'écrivain) et formaliste, l'écriture de Christian Prigent se caractérise entre autres, par un réalisme moderne - quoique issu d'un débat antique à propos du statut des modèles artistiques - fondé sur une perception théorique fondamentale : toute expérience humaine et toute activité symbolique est socialement et historiquement médiatisée par des discours et des images qui ne font pas le poids avec l'expérience individuelle (non-logique) du monde (« l'expérience sensorielle vraie ») ; l'écriture poétique doit permettre, par une altération inouïe de la langue, sinon l'expression de ce vécu de conscience, tout au moins la création de formes sensorielles équivalentes (rythmiques, musicales, plastiques). Cette assertion pourrait être une définition générale de la poésie et n'être qu'un lieu commun, elle prend chez Christian Prigent des formes de style particulières dont la force d'invention dépasse amplement ce propos.
« Réaliste », dans l'acception qu'il peut en être donné ici, n'est pas copie ni envers du réel, mais provocation négative de sa possibilité.
« Le tout est de se savoir posé, quand on écrit, non pas face à un réel conçu comme un plein stabilisé en deçà du langage mais face à la réalité en tant que toujours-déjà constituée de blocs signifiants (de langue). »
Nulle expression immédiate de l' tre mais plutôt une perlaboration de matériaux accumulés, proche en certains points des Dépôts de savoir&de technique de Denis Roche.
Dans cet ouvrage, Christian Prigent propose les linéaments d'une reconstitution chronologique de ses lectures depuis les années 60 jusqu'à aujourd'hui. Ce parcours sensible des lectures de l'auteur n'intéresse pas seulement la critique génétique, il permet un accès à l'univers intellectuel du poète et esquisse un portrait de sa famille mentale - le poète en lecteur.
« la volonté d'écrire ne vient pas de l'expérience de la vie elle-même mais des lectures qui vous ont bouleversé. »
Sa bibliothèque traverse toutes les époques, de l'antiquité à aujourd'hui, couvre la poésie française, russe et américaine, et manifeste un intérêt pour les sciences humaines (la linguistique, la philosophie, la psychanalyse et la sociologie). Christian Prigent a lu assidûment Sade, Baudelaire, Hölderlin, Rimbaud, Jarry, Lautréamont, Mallarmé, Breton, Proust, Joyce, Artaud, Bataille, Céline, Ponge, Guyotat, Roche, Novarina mais aussi Pound, Cummings, Maïakovski, Khlebnikov, Burroughs, Ginsberg, mais aussi Rabelais, Marot, Racan, Racine, Ronsard, Malherbe, Scarron, Scève, mais aussi Aristophane, Homère, Lucrèce, Tacite, Chrestien de troyes, mais aussi Cadiot, Tarkos, Pennequin, mais encore Freud, Bakhtine, Marx, Bourdieu, Derrida, Kristeva, Fonagy. On relève aussi l'absence (exprimée) de Char, Du Bouchet, Bonnefoy, Guillevic.
Chez Christian Prigent, lecture et écriture participent de la même activité. La lecture unit et coagule, elle croise dans le toujours-actuel, dans le présent du sens, des œuvres contemporaines et de la modernité avec des œuvres médiévales ou de la grande culture antique.
Dans cet art de lire apparaît à plusieurs reprises la dimension biographique (à travers la bibliothèque du père), les « marottes secrètes » (Maurice Fourré), mais aussi la bibliothèque documentaire servant de matière à l'écriture des livres en cours.
Le recyclage est lié à sa pratique de la lecture. De nombreux passages des livres de l'auteur sont des « ponctions », des prélèvements non escortés de guillemets comme des voix. Le travail poétique élabore une polyphonie en se nourrissant de reprises et de fusions qui relèvent de différents degrés de l'appropriation.
« Je crois que toute écriture récrit et que l'invention ne tombe ni d'un ciel inspirateur ni d'un vouloir-dire souverain, mais réside dans sa puissance de réinvestissement d'un matériau recyclé. Ce que les Anciens appelaient imitation, en somme. Ce que de plus modernes ont repéré sous le terme d'intertextualité. Tous mes livres recyclent des matériaux déjà écrits, des blocs de significations formés. »
Au chercheur d'identifier et de reconnaître pour les interpréter les interférences poétiques entre toutes ces voix !
Cette défiguration - sémantique, plastique, énonciative - posséde une fonction morale, il s'agit de « dé-familiariser et dés-idéologiser des énoncés politiques, éthiques, pornographiques, publicitaires ». Elle entre pleinement dans le processus de composition : « La manipulation fait monter de chaque segment calibré en unité métrique un nuage de sons et de lettres. J'attends ce qui, dans ce nuage, va former le visage d'autres mots et, formant ce visage, appeler ce que ces mots dévisagés suscitent : autres images, nouvelles visions, scènes inédites. Et j'essaie de sortir de cette opération un rythme, c'est-à-dire une onde glissée, un dérapage de la langue sur elle-même - qui tente de ranimer son corps cadavéreux. »
Ainsi l'œuvre de Christian Prigent témoigne de cet effort « sempiternel », jouant rythmiquement de l'incongruïté et des imperfections du langage pour se dégager des formes symboliques habituées et fixées, et rendre celui-ci iconique, passionné et inouï.
Comme jadis les collections « découverte » de poésie chez Seghers (« Poètes d'aujourd'hui ») ou au Seuil (« écrivains de toujours »), ce livre riche, rude sans être aride, peut-être lu avec plaisir par un lecteur qui ne connaîtrait pas l'auteur et son œuvre.
Côté textes : poèmes et proses courtes inédites, fragments d'essais, extraits de lettres et textes circonstanciels, reproductions de pages manuscrites. Côté images : dessins et tableaux de Christian Prigent, photos de famille (le père, la mère, les grands parents, les enfants) et d'amis (Valère Novarina, Pierre Le Pillouër, Alain Frontier, Jean-Luc Steinmetz... ), photos d'enfance et de Vanda.
Le livre joue du présent de tous les temps - des tremblés de la mémoire objectivée-fantasmée : anecdotiques bouts d'enfance, lieux qui sont des sites mentaux et affectifs, morceaux de mythes intérieurs.
Répondant aux questions de Bénédicte Gorillot, Christian Prigent ne perd pas sa langue, l'oral-écrit, comme il l'écrit et comme il le parle, est tenu, dense et complexe - à la hauteur de l'œuvre. Rien ici qui puisse sembler attifé ou bavard.
Ce livre ne veut pas faire de Christian Prigent un philosophe ou un psychanalyste, ni le dernier héraut vivant des avant-gardes disparues ressassant d'anciennes taxinomies ; il tente, dans l'échange de paroles et par le commentaire, de formuler des équivalences de pensée et de langue qui ne font pas dire à l'auteur ce qu'il n'écrit pas mais se tournent au contraire vers un « ordre intelligible » de l'œuvre. Par son volume même, il rend compte de son é-normité.
En s'attachant à des écrivains accomplis mais dont l'œuvre est toujours en travail, la collection Les Singuliers pose de fait des questions touchant à la reconnaissance sociale et littéraire. Sa forme dialoguée et documentée alterne avec sensualité prosopographie et socio-biographie.
Par son œuvre poétique et critique, Christian Prigent est sans doute, avec Denis Roche et Pierre Guyotat, l'un des écrivains qui a le plus marqué les jeunes (et moins jeunes) générations écrivant aujourd'hui, ne serait-ce que parce beaucoup se sont positionnés par rapport à lui ; ceux qui s'en réclament, et ceux qui voudraient bien liquider l'œuvre d'un revers de formule s'accordant malgré tout dans leur jugement sur la place indéniable que l'auteur occupe dans l'histoire récente de la littérature en France. En témoigne au plan symbolique la valorisation de son œuvre par de nombreuses instances et institutions de légitimation mais aussi le nombre croissant de commentateurs attitrés et de traductions.
Christian Prigent rappelle qu'avant de devenir un écrivain il a joué à en être un. Il caractérise et situe sans feindre honteusement la honte les enthousiasmes de ses premiers textes - les écrits « porno-poétiques » à quatorze-quinze ans, les poèmes ronéotypés donnés aux amis, ceux qui furent « influencés » par Guillevic et Frénaud, par la découverte des poètes publiés chez Seghers (Pierre Morhange) et dans la revue Action poétique - afin d'en re-saisir la traversée, le procès et les ratés, les hésitations et les poussées.
A propos de Power/Powder (paru en 1977 dans la collection « TXT » chez Christian Bourgois) :
« C'est un livre très « années 1970 ». Je le trouve aujourd'hui assez kitsch : des contorsions formelles autour d'un matériau d'actualité : des contorsions formelles autour d'un matériau d'actualité politique (l'affaire Lip, en 1974) ; un peu d'Artaud, un peu de Mao ; des obscénités zutiques, du « carnavalesque » forcé... Ca voulait faire des étincelles. Rétrospectivement lu, ça fait surtout pétard mouillé. »
Là où d'autres créateurs sacralisant leur geste auctorial taisent la scolarité et l'évolution intime de l'œuvre par une sorte de superstition narcissique, Christian Prigent sans posture d'humilité, et sans dénigrement affecté, tend à objectiver ses propres textes pour en faire apparaître la structure, les traits stylistiques et la facture - la manière. L'écriture est un « travail » - qui intégre « répétitions pasticheuses » et références - et l'œuvre ne répugne pas à montrer sa structure.
Spéculative (avec ses apories sur l'expérience de l'écriture et les modes de connaissance de l'écrivain) et formaliste, l'écriture de Christian Prigent se caractérise entre autres, par un réalisme moderne - quoique issu d'un débat antique à propos du statut des modèles artistiques - fondé sur une perception théorique fondamentale : toute expérience humaine et toute activité symbolique est socialement et historiquement médiatisée par des discours et des images qui ne font pas le poids avec l'expérience individuelle (non-logique) du monde (« l'expérience sensorielle vraie ») ; l'écriture poétique doit permettre, par une altération inouïe de la langue, sinon l'expression de ce vécu de conscience, tout au moins la création de formes sensorielles équivalentes (rythmiques, musicales, plastiques). Cette assertion pourrait être une définition générale de la poésie et n'être qu'un lieu commun, elle prend chez Christian Prigent des formes de style particulières dont la force d'invention dépasse amplement ce propos.
« Réaliste », dans l'acception qu'il peut en être donné ici, n'est pas copie ni envers du réel, mais provocation négative de sa possibilité.
« Le tout est de se savoir posé, quand on écrit, non pas face à un réel conçu comme un plein stabilisé en deçà du langage mais face à la réalité en tant que toujours-déjà constituée de blocs signifiants (de langue). »
Nulle expression immédiate de l' tre mais plutôt une perlaboration de matériaux accumulés, proche en certains points des Dépôts de savoir&de technique de Denis Roche.
Dans cet ouvrage, Christian Prigent propose les linéaments d'une reconstitution chronologique de ses lectures depuis les années 60 jusqu'à aujourd'hui. Ce parcours sensible des lectures de l'auteur n'intéresse pas seulement la critique génétique, il permet un accès à l'univers intellectuel du poète et esquisse un portrait de sa famille mentale - le poète en lecteur.
« la volonté d'écrire ne vient pas de l'expérience de la vie elle-même mais des lectures qui vous ont bouleversé. »
Sa bibliothèque traverse toutes les époques, de l'antiquité à aujourd'hui, couvre la poésie française, russe et américaine, et manifeste un intérêt pour les sciences humaines (la linguistique, la philosophie, la psychanalyse et la sociologie). Christian Prigent a lu assidûment Sade, Baudelaire, Hölderlin, Rimbaud, Jarry, Lautréamont, Mallarmé, Breton, Proust, Joyce, Artaud, Bataille, Céline, Ponge, Guyotat, Roche, Novarina mais aussi Pound, Cummings, Maïakovski, Khlebnikov, Burroughs, Ginsberg, mais aussi Rabelais, Marot, Racan, Racine, Ronsard, Malherbe, Scarron, Scève, mais aussi Aristophane, Homère, Lucrèce, Tacite, Chrestien de troyes, mais aussi Cadiot, Tarkos, Pennequin, mais encore Freud, Bakhtine, Marx, Bourdieu, Derrida, Kristeva, Fonagy. On relève aussi l'absence (exprimée) de Char, Du Bouchet, Bonnefoy, Guillevic.
Chez Christian Prigent, lecture et écriture participent de la même activité. La lecture unit et coagule, elle croise dans le toujours-actuel, dans le présent du sens, des œuvres contemporaines et de la modernité avec des œuvres médiévales ou de la grande culture antique.
Dans cet art de lire apparaît à plusieurs reprises la dimension biographique (à travers la bibliothèque du père), les « marottes secrètes » (Maurice Fourré), mais aussi la bibliothèque documentaire servant de matière à l'écriture des livres en cours.
Le recyclage est lié à sa pratique de la lecture. De nombreux passages des livres de l'auteur sont des « ponctions », des prélèvements non escortés de guillemets comme des voix. Le travail poétique élabore une polyphonie en se nourrissant de reprises et de fusions qui relèvent de différents degrés de l'appropriation.
« Je crois que toute écriture récrit et que l'invention ne tombe ni d'un ciel inspirateur ni d'un vouloir-dire souverain, mais réside dans sa puissance de réinvestissement d'un matériau recyclé. Ce que les Anciens appelaient imitation, en somme. Ce que de plus modernes ont repéré sous le terme d'intertextualité. Tous mes livres recyclent des matériaux déjà écrits, des blocs de significations formés. »
Au chercheur d'identifier et de reconnaître pour les interpréter les interférences poétiques entre toutes ces voix !
Cette défiguration - sémantique, plastique, énonciative - posséde une fonction morale, il s'agit de « dé-familiariser et dés-idéologiser des énoncés politiques, éthiques, pornographiques, publicitaires ». Elle entre pleinement dans le processus de composition : « La manipulation fait monter de chaque segment calibré en unité métrique un nuage de sons et de lettres. J'attends ce qui, dans ce nuage, va former le visage d'autres mots et, formant ce visage, appeler ce que ces mots dévisagés suscitent : autres images, nouvelles visions, scènes inédites. Et j'essaie de sortir de cette opération un rythme, c'est-à-dire une onde glissée, un dérapage de la langue sur elle-même - qui tente de ranimer son corps cadavéreux. »
Ainsi l'œuvre de Christian Prigent témoigne de cet effort « sempiternel », jouant rythmiquement de l'incongruïté et des imperfections du langage pour se dégager des formes symboliques habituées et fixées, et rendre celui-ci iconique, passionné et inouï.