David Christoffel, De mémoire j’aurais voulu être plus précis par Vianney Lacombe
C’est une toute petite Recherche qui est proposée par David Christoffel dans son livre De mémoire, j’aurais voulu être plus précis : et il s’agit bien de mémoire, dans ce texte présenté en regard des 4 premières pages du Côté de chez Swann, recomposées à l’identique d’après la première édition de La Recherche, et si la version de David Christoffel respecte d’une manière assez stricte la structure des phrases de son modèle, cette fidélité laisse place dans son texte à une Recherche beaucoup plus radicale dans son écriture, afin d’en éprouver la nouveauté devant le texte original. Cette volonté de confrontation n’est pas gratuite, mais elle se dissimule sous une forme humoristique, espiègle, pour nous faire pénétrer plus profondément dans cette traduction d’un état de conscience qui précède l’endormissement et la genèse de toute écriture romanesque, non plus guidée par la sensation intérieure qui s’évanouit dans le sommeil, mais au contraire par l’enrichissement de tous les objets imaginaires qui surgissent au seuil de cet endormissement.
Mais ce texte de David Christoffel peut et doit être lu non seulement comme une traduction homolinguistique d’un fragment de la Recherche, mais avant tout comme le lieu de la plus grande lucidité possible, de la plus grande responsabilité dans la défiguration du texte original de Proust, à l’intérieur duquel David Christoffel nous mène selon ses propres lois, mais en suivant scrupuleusement la respiration de chaque paragraphe à l’intérieur de ce petit livre.
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Marcel Proust
J’appuyais tendrement mes joues contre les belles joues de l’oreiller qui, pleine et fraîches, sont comme les joues de notre enfance. Je frottais une allumette pour regarder ma montre. Bientôt minuit. C’est l’instant où le malade, qui a été obligé de partir en voyage et a dû coucher dans un hôtel inconnu, réveillé par une crise, se réjouit en apercevant sous la porte une raie de jour.(…)
David Christoffel
Tout à faire phénoménologie du coussin avec un seul coté de ma face, je déviais de mon écoute briscard et regardais l’heure. Comme il était pratiquement minuit, il y avait juste de quoi acter d’une coïncidence pour me faire un film sur les personnages qui attendent ce moment-là pour entamer une bonne grosse crise et d’autant s’émerveiller de détecter quelques signes que la nuit va bientôt en finir.(…)