On construit des maisons mais on ne les finit pas de Véronique Gentil par Vianney Lacombe

Les Parutions

07 déc.
2021

On construit des maisons mais on ne les finit pas de Véronique Gentil par Vianney Lacombe

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On construit des maisons mais on ne les finit pas, Véronique Gentil

Les poèmes de Véronique Gentil sont engendrés par des sensations fugaces qui pèsent un poids de plomb « parmi les choses – fontaines, la vie silencieuse », et elle s’empare de ces sensations pour en faire quelques mots, des mots qu’elle choisit les plus éloignés de leur destination, et qui miraculeusement se retournent pour nous montrer l’autre face de cette vision, celle qui n’est pas vue, mais sentie depuis toujours, et c’est parce qu’elle fait preuve d’abnégation dans son écriture, soumise et docile aux faits imprévus qui ne peuvent être dits qu’en tournant le dos à tout ce qui l’a été jusqu’ici. Pour Véronique Gentil, tout est transparent, la vie, la mort, la nature, notre vie, notre mort, celle des autres, et la nature entière ne se cache plus dans les animaux clandestins et complices de notre vie, dans la forme du soleil et des rêves traversés comme des clairières, nous sommes au centre de tout, calmement puisque cela n’a plus d’importance de se hâter, quand se lèvent autour de nous toutes les questions auxquelles nous ne pourrons pas répondre mais qui seront comptées dans toutes les années que nous ne connaîtrons pas, mais que ceux qui nous suivront se poseront à leur tour.

« Si on s’allonge, qu’on les regarde un moment, tandis que sur nous plie l’herbe, se penchent les peupliers, la vie qu’on a menée n’a bientôt plus de corps, se détache, passe à l’envers des feuilles hautes, pâles, poreuses, les nuages, on entend l’air sans savoir ce qui circule au juste avec un bruit, un sang ou le vent d’été, les ailes qui tournent percent les yeux dans les arbres » (p.35).

On construit des maisons mais on ne les finit pas, comme son autre recueil Va, répondent à ce même désir d’être l’instrument fragile de toutes les voix secrètes du monde, et pour cela intimer le silence à sa propre voix et laisser la grande, la majeure dicter les mots qui ne sont que des endroits, des directions, des virages, des embardées, et les laisser nous dire ce qu’il faut faire pour être fidèle à l’inconnu dans lequel nous sommes plongés, et qui prend la forme des arbres et de tout ce qui nous entoure, mais dépasse des bruits parasites de ce que nous vivons chaque jour.

Les poèmes de Véronique Gentil sont rares, ils nous arrêtent sur le seuil de l’indicible, et cependant sont dits et sans arrêt il y en a d’autres qui forment les limites de cet endroit dont elle nous montre les bords extérieurs et leur empreinte sur nous.

 

 

« Un faisan lâché luit comme un faux sur la route, déjà mort pour ainsi dire, son cou bleu déboîté tourné vers le soleil. On pourrait avec un peu de grain l’attirer à soi et sentir sous la main le carton des rémiges. Ou l’écraser.
Il piétine le bord des routes avec sa femelle grise. Sa maigre conscience semble continûment renaître et découvrir le monde pour la première fois.

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Demain il sera si voyant et si nu devant les chiens » (p.41).

 

 

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