Le même geste de Fabienne Courtade par Véronique Pittolo
Chaque livre de Fabienne Courtade nous confronte à un univers à la fois singulier et plein de réminiscences. Que ce soit Roger Laporte ou Blanchot,
Anne-Marie Albiach ou Danielle Collobert, on y retrouve une poésie épurée, économe, une syntaxe qui procure une respiration ample et fluide, affranchie du pathos qui caractérise parfois ses aînés. Une poésie qu’on lit comme une narration trouée, tronquée, éclaircie, tant la prose du monde universellement polluante est dégagée ici de toute fioriture. S’il y a excès, c’est de fraîcheur,
de décantation, dans un univers réduit à son expression essentielle. Peu d’effets, peu de thèmes, point d’anecdotes, mais le corps qui revient souvent,
le bleu, le silence, la disparition, dans une écriture de l’éclipse et du clignotement perpétuel. Un poème de Courtade, à quelque page qu’on ouvre le livre, est toujours premier, il réactive une sensation originelle. Le vers est découpé à son niveau minimum, captation et relance du silence, tension, respiration, ou même parfois essoufflement. On éprouve curieusement le charme du haïku, qui consiste à séparer le visuel du sonore, à les détacher :
«Les sons stridents
Les cris dans le couloir
soudain
Oiseaux au-dessus
au-dessous»
S’il y a du bruit, il sera estompé, ou simplement mental, envisagé, ce qui n’empêche pas les images concrètes de surgir :
«avec cailloux qui rentrent dans les chaussures
nous empêchent de parler ».
On voyage dans ce livre comme dans une zone extrême, une campagne non encore explorée, une rue où la lumière a du mal à se fixer mais prend néanmoins quelque chose, accroche. Cette poésie me procure le même ravissement que celle de Cole Swensen, une abstraction paradoxale, entre l’aveuglement et la vision pure, nette, envoûtante.
« si on gratte le verre on retrouve du verre
…. Je miroite
ne peux arrêter ni poser les mains »