Le nôtre de Cole Swensen par Frédérique Guétat-Liviani
«Que Le Nôtre, connu
pour sa bonté et sa pensée
ourle avec soin
cette lisière et flambeau
on aurait dit un champ
en flamme
fait de flammes qui porteraient
un fruit bleu entier
rouge ancre, fleur maintenant. C’était un homme bon
et cela a duré plus longtemps que tout
ce qu’il a jamais fait pousser, de tour en tour. »
Perdant sa majuscule le nom a aboli la propriété privée.
Le jardin est devenu le nôtre.
Et le paysage est devenu le poème.
Le rectangle vert il faut l’ouvrir.
Le papier n’est pas couché. La fibre est bien présente.
On suit les lignes jusqu’à leur rupture.
Car lorsqu’elles se brisent pour former des terrasses
on descend des paliers puis on remonte.
De là on aperçoit les plans d’une autre construction.
Le poème pousse vers le haut des pages les lignes grimpent vers la lumière.
Parfois il faut sauter des lignes pour suivre les traces du jardinier et saisir sa silhouette dans le schéma vertical.
Le sous-terrain de la page abrite les chiffres au corps plus lourd que les lettres.
Les traits les caractères les formes se dessinent dans l’espace terrestre.
Le long des 9 salles du jardin-poème l’auteur nous invite à marcher.
Sa géométrie nous ouvre de nouvelles perspectives des points de vue disparus.
Les mots qui nomment ce jardin ont été prélevés dans le glossaire de l’architecte.
Implantés dans celui du jardinier ils se sont acclimatés en langue étrangère.
Les murs (de charmilles) les escaliers (d’eau) les tapis (de verdure) les broderies (de buis) les rideaux ( le long des allées). Tous greffés.
Les arbres se sont affranchis de l’appellation.
Ils ont donné des fruits et de l’ombre.
Dans les jardins.
Publiquement.