15 févr.
2007
Une traversée des Chants de Maldoror de L.L.de Mars par Jacques Demarcq
L[e] L[ièvre] de Mars (qu'à la différence d'Alice je n'ai jamais croisé) continue de m'étonner.
Ses Poèmes de la faillite (Le mot et le reste, 2005) m'avaient touché parce qu'au lieu de s'y livrer à une expérience d'écriture, il écrivait son expérience d'une culture aux prises avec l'histoire réelle. C'est de l'expérience d'un autre échec que témoigne cette étrange (et courageuse, éditorialement parlant) édition des Chants de Maldoror.
« Un livre qui depuis toujours m'échappe », avoue notre Martien. Il a donc malaxé, maculé, chiffonné, tailladé ses pages (un livre est fait de pages et pas seulement de mots) tout en essayant de pénétrer physiquement, y plongeant jusqu'au cou la main du dessin, le personnage sans visage (comme on sait) de Ducasse-Lautréamont. D'où, mêlées aux débris du corpus ducassien, des images de corps (humains, animaux) troués ou disséqués vivants, les chairs flasques qui dégringolent, un large anus à la place de la tête, ou le visage gommé, ou des crayons leur sortant des yeux, et cetera. Sont-ce là fantasmes en réponse au « style impossible, poseur, hautain, convulsif » de Maldoror ? Au lieu de redoubler un texte qui se suffit et, donc, « échappe », ces images interrogent l'attitude, la « pose » désespérée qui a pu engendrer un tel livre. Incitant par là même à s'y replonger, une fois encore. Faisant suite à la course du Lièvre au travers des Chants, ceux-ci sont reproduits dans une composition soignée, en raide Bodoni, d'Alain Hurtig. Autre manière de se colleter avec le romantisme ? Pas sûr.
Ce qui l'est, c'est que j'aime les livres qui n'entrent dans aucun genre : ceux qui résistent, et cette Traversée, pour le moins, est houleuse.
Ses Poèmes de la faillite (Le mot et le reste, 2005) m'avaient touché parce qu'au lieu de s'y livrer à une expérience d'écriture, il écrivait son expérience d'une culture aux prises avec l'histoire réelle. C'est de l'expérience d'un autre échec que témoigne cette étrange (et courageuse, éditorialement parlant) édition des Chants de Maldoror.
« Un livre qui depuis toujours m'échappe », avoue notre Martien. Il a donc malaxé, maculé, chiffonné, tailladé ses pages (un livre est fait de pages et pas seulement de mots) tout en essayant de pénétrer physiquement, y plongeant jusqu'au cou la main du dessin, le personnage sans visage (comme on sait) de Ducasse-Lautréamont. D'où, mêlées aux débris du corpus ducassien, des images de corps (humains, animaux) troués ou disséqués vivants, les chairs flasques qui dégringolent, un large anus à la place de la tête, ou le visage gommé, ou des crayons leur sortant des yeux, et cetera. Sont-ce là fantasmes en réponse au « style impossible, poseur, hautain, convulsif » de Maldoror ? Au lieu de redoubler un texte qui se suffit et, donc, « échappe », ces images interrogent l'attitude, la « pose » désespérée qui a pu engendrer un tel livre. Incitant par là même à s'y replonger, une fois encore. Faisant suite à la course du Lièvre au travers des Chants, ceux-ci sont reproduits dans une composition soignée, en raide Bodoni, d'Alain Hurtig. Autre manière de se colleter avec le romantisme ? Pas sûr.
Ce qui l'est, c'est que j'aime les livres qui n'entrent dans aucun genre : ceux qui résistent, et cette Traversée, pour le moins, est houleuse.