Chino au jardin, 2, extrait par Christian Prigent
A et B., on l’a vu : pas les bonnes portes où frapper pour apprendre à faire ça. Mais voici la maison de C, alias P., l’écrivain des choses réhabilitées. Elle est cachée sous les mimosas derrière ce petit bois de pins qui sent fort. Beaucoup d’écorces et de rameaux morts sur les allées car ces résineux en font abondamment a-t-il dit en tant que poète matérialiste qui sait observer de près la réalité sans se survolter le spéculatif. Au rebord des plates-bandes : ronds décoratifs de galets individuellement chus de leur énorme aïeul rocailleux ou frises brillamment blanchâtres de coquilles d’huîtres dénacralisées. Le jardinier en personne est dans son jardin, cigarillo aux lèvres, pas bêcheur. Son short XXL est banalement kaki. Ses petites jambes poilues sont à l’objoie du soleil placé en abîme sur un fauteuil d’osier exposées. Mains épicuriennement croisées derrière la nuque, il montre sans fausse pudeur au passant les trous aux aisselles du petit pull qu’il a passé à cause des brises après 17 h de mer. Ainsi trônant il toise de haut l’agitation absurdement soucieuse qui obstrue le sentier à ses pieds. De ce souci il n’a réciproquement cure. Car qui s’en pourrit la tête ne jouit de rien de ce qui à vue de nez fait se rassembler en lui-même et jubiler de vivre le sage qui scrute la modestie des choses sans s’énerver l’optique de l’absence de sens général du monde ni se bourrer de métaphysique le mou de la pensée comme suivez mon regard tel petit géomètre tombé au Grand Siècle sur sa grosse tête.
Il advint une fois sous la pluie que Chino à cette porte heurta le rouge timide au front pour faire son hommage. Au jeune homme dégoulinant le Maître avant même le bonjour a demandé : vous voulez une serviette ? Quand parle le Maître, ça parle puissance 2 même sans le faire exprès. Cette parole fut la première de toutes celles entendues par Chino du vieil homme à l’œil qui plisse de rigolade. Elle sera immortelle, a pensé l’élève à peine sec. Car cette serviette a épongé les dégoulinures de mon habitus fébrile du sensible et par ce penchant voué à l’idéalisme et aux incontinences. Après il eut droit à un bout de savon pour plus à fond se récurer les penchants. Puis à un verre d’eau pour rincer sa glotte des chats qui miaulaient expressivement l’aigreur de s’y sentir mal. Selon le rapport que fit à lui-même dans son carnet peu après le tenancier du bois de pins, Chino fut en tant que jeune poète verbatim noté 1/ breton pur sang 2/ très sympathique 3/ distingué 4/ très averti.
De l’apprendre bien des années après le fit tout ému sourire sans en penser pour autant moins du lion pelé orgueilleux, susceptible, colérique et ardent avec qui ça s’était dans la durée côté idylle gâté car il faut à l’élève que le maître meure et vice versa peut-être. Mais ce jour-là au frais du jardin entre des ondées d’allures diverses on causa de ci, on tailla de ça quelques bouts de gras. Et on s’accorda à l’unanimité sur ce point crucial que faire poésie c’est pas que moucher son nez de larmois et dire en montrant le mouchoir mouillé : voici mon poème et ainsi de suite en style d’harpe ou lyre. On dauba Untel, ricana sur Truc, sourit finement de Machin si surfait. Et Chino fut expressément invité à ne plus frayer avec des méta-droguistes expressifs coulants comme le ci-devant marquis de Carabagne Henri ou des grandes coquettes vaticinatristes comme le maître des marteaux tu parles de la Sorgue et sans parler justement mais vous ne doutez pas que ce genre de littérature ne soit plus même capable de m’écœurer des bouffons mirlitons comme qui vous savez du P. C. et cetera.