Les Morts rigolos d'Antoine Boute, Victor & Lucas Boute par Nathalie Quintane
Deuxième opus de littérature expérimentale tout public hyper-excitée publié aux Petits Matins par Antoine Boute. Cette fois-ci, Antoine choisit la veine onze mille verges, et elle lui va à ravir : on dévore des fèces, on pisse dans des bouteilles, on se mange entre soi, on fait venir les enfants - tout comme Apollinaire l'avait inauguré, continuant Sade dans un propos quasi débarrassé d'obligations théo-philosophiques, annonçant l'humour de Queneau.
Comme Boute est récemment ce qui est arrivé de mieux dans la littérature (expérimentalo-francophone, ajouterait-il), il passe un cap et nous le fait passer aussi dans la foulée : le ton est, comment dire, eh bien, si ça n'était pas édité, on dirait inédit. Entre temps, on comprend que l'auteur a parfait ses études de lettres, et ses Morts rigolos sont bien plus motivés, explicités, charpentés critiquement, mais toujours de cette manière trash et franco qui fait la particularité du maître d'ouvrage.
Donc, Les Morts rigolos se présente comme une blague conceptuelle - une vaste blague (au sens littéral, puisqu'elle couvre plus de deux cents pages et que le suspense consiste à en attendre la chute) mais pensée avec un deuxième concept, commercial celui-là : une révolution des enterrements. C'est ainsi que Boute et son équipe (on retrouve la célèbre porno-lettriste Ariane Bart) organisent les cérémonies d'enterrement ad hoc de célébrités souvent poétiques - ici, dans le rôle à présent récurrent du personnage de poète, Charles Pennequin, sublimement devenu pouponnière à méduses (on n'en dira pas plus, mais les pages qui lui sont consacrées sont parmi les plus belles).
L'armature théorique, puisqu'il y en a une, est plutôt post-bataillienne, ou crypto-bataillienne (le rire, la mort et l'enfance prise au sérieux), mais comme l'auteur révèle, à la fin d'un de ses discours, qu'il vient d'avaler par mégarde un space-cake bourré de graines africaines qui font triper, on se demande si c'est du lard ou du cochon.
Bon, je ne sais pas comment vous le dire, mais franchement, vous devriez lire ça.