09 mars
2010
Nouvelles en trois lignes de Félix Fénéon par Nathalie Quintane
On republie tous les 10 ans * les Nouvelles en 3 lignes de Fénéon. C'est donc bien que ça nous concerne. Cette fois-ci, Cent Pages, de Grenoble, procure, en format italien et papier presque journal, une belle édition souple, y inclus portrait de l'auteur au trait sur calque, dédicace finale en simili qui me dit Cordialement vôtre fénéon (sans majuscule), sur fond gris une intro militante et un texte composé en Garamont Amsterdam Berthold etc pour ceux que ça intéresse.
La mise en page
Une fillette, qui avait subi
bien des outrages, a été
trouvée morte à Sallaoun
(Constantine). Manquaient
un bras, une jambe.
tire l'ensemble vers le poétique (sens courant : du blanc, et on passe à la ligne avant la fin de la phrase) : un peu vite on peut dire que l'auteur y prêta, dans ses lignes même, flanc. Grande opération de détachement, donc - du référent par la syntaxe (antépositions, appositions, parenthèses, donnent des compléments stupéfaits, arrêtés en plein élan, des cas régime tête-bêche, des imparfaits du subjonctif et passés simples pris en plein carnage, des substantifs en attaque mais sans déterminant, amputés, des clausules-chutes très noires et drôles à la Cami : un petit chef d'œuvre, sans charre, d'attitude stylistique).
Pourtant, l'essentiel (nous) reste interdit dans ces recueils qui réunissent ce qui, à l'origine, était noyé dans le flot de dépêches anodines où Alice Gallois vitriolait deux personnes (point barre)**. Prévu comme piège pour une lecture balayante, distraite, que le retraitement opéré par Fénéon devait interrompre, suspendre un temps avant la reprise, les Nouvelles furent bien un test de lecture***. A trop s'attarder sur l'exquis d'un mot placé là et pas autre part ou la cadence d'une cadence, à trop faire son Pivot ou son poéticien, cet aspect-là du travail de Fénéon est passé presque inaperçu. On pourrait peut-être s'y pencher.
* Dernières éditions : Macula en 90, Mercure de France en 97-98.
**Par haine d'amour, Alice
Gallois, de Vaujours, a vitriolé
son beau-frère et, par
maladresse, un promeneur.
Elle a déjà 14 ans.
***En contexte, c'est-à-dire dans Le Matin (journal), des lecteurs ne remarquaient pas le côté artiste ou littéraire de la chose. Ils passaient dessus.
La mise en page
Une fillette, qui avait subi
bien des outrages, a été
trouvée morte à Sallaoun
(Constantine). Manquaient
un bras, une jambe.
tire l'ensemble vers le poétique (sens courant : du blanc, et on passe à la ligne avant la fin de la phrase) : un peu vite on peut dire que l'auteur y prêta, dans ses lignes même, flanc. Grande opération de détachement, donc - du référent par la syntaxe (antépositions, appositions, parenthèses, donnent des compléments stupéfaits, arrêtés en plein élan, des cas régime tête-bêche, des imparfaits du subjonctif et passés simples pris en plein carnage, des substantifs en attaque mais sans déterminant, amputés, des clausules-chutes très noires et drôles à la Cami : un petit chef d'œuvre, sans charre, d'attitude stylistique).
Pourtant, l'essentiel (nous) reste interdit dans ces recueils qui réunissent ce qui, à l'origine, était noyé dans le flot de dépêches anodines où Alice Gallois vitriolait deux personnes (point barre)**. Prévu comme piège pour une lecture balayante, distraite, que le retraitement opéré par Fénéon devait interrompre, suspendre un temps avant la reprise, les Nouvelles furent bien un test de lecture***. A trop s'attarder sur l'exquis d'un mot placé là et pas autre part ou la cadence d'une cadence, à trop faire son Pivot ou son poéticien, cet aspect-là du travail de Fénéon est passé presque inaperçu. On pourrait peut-être s'y pencher.
* Dernières éditions : Macula en 90, Mercure de France en 97-98.
**Par haine d'amour, Alice
Gallois, de Vaujours, a vitriolé
son beau-frère et, par
maladresse, un promeneur.
Elle a déjà 14 ans.
***En contexte, c'est-à-dire dans Le Matin (journal), des lecteurs ne remarquaient pas le côté artiste ou littéraire de la chose. Ils passaient dessus.