Splash de Dirk van Bastelaere par Lambert Castellani

Les Parutions

09 avril
2011

Splash de Dirk van Bastelaere par Lambert Castellani

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Dans l'excellent travail de Dirk van Bastelaere (comme chez tout poète, mais en mieux), trois obsessions :


Le mot :


On ne s'y habitue jamais,
Car il tombe
Dans la langue et se propage comme
Une maladie qui se sédimente et se révèle histoire sédimentée [... ]
Et le premier matin lanterne derrière nous [... ]
Et l'innocence ? Le pur commencement ? [... )
Chaque mot, un abattoir.



[Intimement lié à] La mort :


T'adresser la parole,
Cœur coi,
C'est bien entendu pure folie, tu es une donnée générique de l'histoire de la civilisation
[... ]
C'est un mot,
Cœur,
Contre le monde.

La poésie, c'est l'autre mot pour regarder la mort dans les yeux.

Je ne crois pas
au danger vital la vieille rengaine
Histoires que raconte l'humanité
«a et là. [... ]
Mais qui va trinquer pour ça ?



[Tournant tous deux autour de] Le trou :


Parce qu'il y a de l'absence
Il y a
De la poésie.

Tant que je suis sur la digue
On peut me voir de la fenêtre
Laquelle ne se fera connaître
Que lorsque l'homme se sera écrasé à travers elle
Car telle est la faim de connaissance




Puis Dirk van Bastelaere théorise dans :

Stay back please : Sur le réel de la poésie comme traumatisme du poème


Il y envisage la poésie non plus en tant que genre, mais comme Chose, représentation lacanienne de l'absolu désir du poète.
Il convient d'approcher la Chose par l'ordre symbolique, au moyen d'images et du langage, mais le langage ne permet pas de l'absorber ni de la représenter dans son intégralité. Voilà pourquoi elle se révèle si récalcitrante, si inintelligible, si inaccessible, tellement traumatisante aussi.
Autrement dit, le Réel de la poésie n'est rien d'autre que l'impossibilité de sa propre inscription.
Le pauvre fou dont c'est le projet reste alors désespérément coincé entre le désir lui-même (maintenir tel quel le manque) et la pulsion de mort (s'acquitter du désir). La poésie, considérée comme trou, comme le manque central de tout poème - traumatisme à l'origine du poème - est alors une manifestation légitime de la Chose réelle : être l'objet que désire le poète, la jouissance par laquelle le sujet s'éclipse, le poème qui coïncide avec la Poésie et que le poète, poème après poème, tente en vain de représenter.
Alors, rien de bien neuf à dire vrai. Bien au contraire.
Parce qu'après tout, cela n'était t-il pas clair depuis le début ? Nous ne sommes (nous, poètes... la classe !) que post-scriptum permanent, soumis à la compulsion de répétition qui constitue une donnée structurelle de l'histoire de la poésie. Les poètes tripatouillent de façon obsessionnelle et névrotique les croûtes des plaies causées par la poésie.
Et ils en souffrent, les bougres !
Pour quoi faire ?


Nous laissons quelque chose derrière nous
Personne ne sait quoi

Voilà pourquoi. Parce que personne ne sait quoi, et que notre soif de possession est inextinguible.
Quelqu'un qui n'en a jamais rien su a dit : celui qui sait tout n'a peur de rien.
Vous avez peur vous ?
Bien sur que vous avez peur ! Ou vous ne seriez pas là. Peur, comme tout le monde, grosses pétoches les poètes !
Mais il faut bien écrire des poèmes pour nous protéger du monstre divin de la Poésie,
n'est-ce pas ?


Ou bien alors... Cesser de se tripatouiller les croûtes ?


Voilà où
L'histoire se termine. Dans sa Mustang
L'expert en explosif embrasse la fille
(Zoom avant, dolls back) et en effet, ils baisent
Comme des lapins, vivent péniblement et longtemps.



Soit... Vivons donc péniblement et longtemps !

Mais qui va trinquer pour ça ?


(Ah ! J'oubliais...Dans Splash !, il y a aussi des choses très légères et très drôles. Si si !).

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