Patrick Kéchichian (1951-2022) par Tristan Hordé
Pour un lecteur de poésie, Patrick Kéchichian a été un découvreur et un étonnant passeur. Il lisait le dernier livre de Claire Malroux et le premier d’Ariel Spiegler, il revenait à Kafka et à Baudelaire, il reprenait l’œuvre trop oubliée de Léon Bloy et celle de Péguy, il publiait une étude savante à propos d’Ernest Hello, il réfléchissait sur le statut de l’écrivain et du critique. On peut relire ses chroniques du Monde (de1985 à 2008), celles de La Croix ensuite : elles n’ont pas pris une ride, pas plus que ses articles dans de nombreuses revues, de Critique à Études ou La Revue des Deux Mondes où l’on peut relire, paru en septembre 2021, le stimulant "Qu’appelle-t-on penser en poésie ?" Homme de culture, il a observé lucidement le monde littéraire dans le revigorant Des princes et des principautés. Converti au catholicisme, il a donné notamment un Petit éloge du catholicisme à côté d’un ouvrage sur saint Paul. On reconnaîtra un homme mélancolique et sans illusions sur notre société dans son dernier texte publié, écrit en mars 2020, Le dehors n’est pas loin, dans la collection "Tracts de crise". Qui a eu le plaisir d’échanger avec lui trouvait un interlocuteur curieux, modeste, sachant écouter et partager. On pense avec émotion à ses hommages récents à Bernard Noël, à Jean Jacques Viton, à Pierre Chappuis — qu’il a rejoints.