K.O.S.H.K.O.N.O.N.G., numéro 8 par Tristan Hordé
Pour le titre, on se reportera au site de la revue ou, ici même, aux notes de J-M. Baillieu consacré au n°1 et de Matthieu Gosztola au n°3. Rappelons que "Koshkonong", nom indien d’un lac du Wisconsin, signifie « le lac qui est la vie » ; il est donc symboliquement marqué et, par ailleurs, la traduction par Jean Daive, dans le premier numéro, en janvier 2013, de poèmes de Lorine Niedecker, qui vivait dans le Wisconsin, établit un lien avec les poètes objectivistes américains*. Le titre reste cependant énigmatique, d’autant plus que, sur la première page, il apparaît visible mais, a priori, non lisible : K.O.S.H.K.O.N.O.N.G.
Pas de quatrième de couverture pour cette revue, ou plutôt une dernière page partiellement occupée par une peinture monocolore de Stéphane Bordarier, "Le plus grand carré n’a pas d’angle". Quant à la page de couverture, elle porte sous le titre mention du directeur et de l’éditeur, et le premier article commence aussitôt après.
Quelques contributeurs se retrouvent souvent au sommaire d’une livraison à l’autre, comme dans ce n° 8 Anne-Marie Albiach pour un poème inédit (« après cela moi j’ai régardé ») que l’on reconnaît dès les premiers vers
Une mémoire
atemporelle s’annule
et croît. Dans ces
fragments allusifs
qu’une logique ignorée
unit
Ou Michèle Cohen-Halimi qui, dans une lecture-écoute de la Passion selon saint Jean de Bach montre comment Er (il) et Herr (Seigneur) « se rencontrent » : « Er / il prédique le procès de n’importe qui, mais Bach s’évertue par sa triple répétition à le conduire vers la figure trinitaire. » Ces retours de signatures n’empêchent pas la publication d’autres voix, celle d’Emmanuel Laugier, grand connaisseur de Jacques Dupin, avec 27 fois — et suivantes : Jacques Dupin, de Bénédicte Vilgrain, qui poursuit son exploration de la grammaire tibétaine, de Pierre Parlant avec des extraits de proses autour d’Aby Warburg.
La revue s’ouvre sur un entretien avec Toni Grand (1935-2005), dont un graffiti sur une pancarte est reproduit. L’échange a été préparé en juillet 1988 par Jean Daive qui, homme de radio, a interrogé de nombreux peintres et sculpteurs. Les questions, à partir d’un catalogue d’exposition, portent sur les activités de Toni Grand dans les années 1970, qui travaillait notamment à partir de bois, morceaux d’arbre, branches ou blocs ; pour le sculpteur, les « suites interminables de pièces » issues de l’atelier permettaient de suivre un parcours : « on voyait exactement ce dont il s’agissait, les travaux, les gestes, les méthodes ».
Voilà une revue à part dans le paysage, comme l’ont d’ailleurs été les revues créées au fil du temps par Jean Daive. Elle privilégie la présence d’ami(e)s — Claude Royet-Journoud, Gisèle Cohen-Halimi —, avec qui sont explorés divers aspects de la poésie d’aujourd’hui : on lit par exemple dans d’autres numéros Philippe Beck ou Luc Bénazet. Elle n’est pas seulement réservée à la littérature, ouverte à la musique et aux arts picturaux
* À ce sujet, voir Des Objectivistes au Black Mountain College, Conférences et documents, La Nerthe / École supérieure d'art de Toulon Provence Méditerranée, 2014, 124 p., 10 €.