Revue L'intranquille, n° 11 par Tristan Hordé
Comme d’autres revues, L’intranquille présente dans chaque livraison une trentaine de pages autour d’un thème. Pour le n° 11, il s’agit d’un « Dossier Désopilant », mais le lecteur choisira plutôt le terme ’’Déconcertant’’ pour qualifier la quasi totalité des contributions. Je ne suis pas sûr qu’il y ait matière à rire dans une parodie de discours de préfet (Jean-Marc Proust) qui commence ainsi : « .Tdoihl iLiL4h avec l’or creou », et le jeu de questions / réponses préparé par Gilbert Lascault et Laurent Grison se rattache à une tradition de l’absurde — qui ne vise pas le rire, au mieux le sourire. On dira la même chose des textes de collégiens qu’a recueillis Tristan Felix et, par ailleurs, les extraits qu’elle publie, qui mettent en scène un personnage, Ovaine, ne sont guère plus convaincants. Difficile encore de rire aux aphorismes de monsieur Mouche (Jean-Luc Coudray), moins encore aux aventures de Quemhrf (Christophe Bruneel). Etc. Cela ne signifie pas que l’ensemble manque d’intérêt, mais il ne réside pas dans son caractère désopilant : virtuosité dans les jeux de mots, plaisir du nonsensique, oulipismes, expérimentation caractérisent plutôt ce qu’il y a de plus satisfaisant dans l’ensemble publié.
La revue s’ouvre sur quelques pages d’un reportage de Carole Naggar en Istrie (Croatie). Suivent des traductions de l’italien et de l’allemand. Philippe Di Meo a traduit récemment Federigo Tozzi (Les yeux fermés, La Baconnière, 2016, et Les bêtes, Corti, 2012) et l’on sait sa familiarité avec les plus grands écrivains italiens du xxe siècle : passeur de Pasolini, Zanzotto, Manganelli, Caproni. Les choses, ouvrage posthume de Tozzi (1883-1920) dont quelques extraits sont donnés ici, est composé de courts fragments, « restitution pointilleuse de sensations éprouvées ». ; on attend impatiemment de lire la totalité après ces quelques pages. Manfred Peter Hein (né en 1931), n’est connu en français que par quelques traductions de Jean-René Lassalle et l’on souhaite, à lire les six poèmes proposés par Natacha Ruedin-Royon, l’édition d’un recueil entier ; mais pourquoi le texte en allemand d’un seul des poèmes présentés ?
C’est un des rôles des revues de publier des inédits ; L’intranquille propose sous le chapeau « Nouveaux poètes » quatre poètes qu’il aurait été bon, même sommairement, de présenter. La nouveauté réside plus dans le fait que ces poètes ne publient que dans des revues (ou à compte d’auteur) que dans leur recherche d’une forme-sens, sauf à considérer qu’écrire en majuscules (Stéphane Casenobe) ou refuser la lisibilité (M.-A. Graziani), par exemple, suffisent. La livraison de la revue s’achève sur des extraits du journal intime de Léon Tolstoï et quelques notes de lecture, trop sommaires pour susciter le désir d’aller lire les recueils de poésie, de nouvelles, ou les revues. On retire de la lecture de ce numéro une impression de désordre plus que d’ouverture à des thèmes variés, sans vraiment se retrouver dans le projet affiché, « revue de littérature ».