Revue Rehauts, n° 38 par Tristan Hordé
Thierry Gillibeuf, traducteur de poètes américains (comme Cummings, Marianne Moore) et d’écrivains italiens (comme Italo Svevo, Salvatore Quasimodo), propose quelques inédits d’Umberto Saba que le poète n’avait pas retenus dans son opus majeur, Il Canzoniere. Dans ces "Chansonnettes pisanes", presque toutes dans la forme du quintil, Saba est dans le monde, contre la guerre ou, sans ambiguïté, affirme son rejet de la religion :
Tandis que chantait l’alouette et que
le village était plein, ma vie tout entière,
de choses bonnes et heureuses ;
le plus ancien mensonge, le plus noir
est passé : en plein midi, un prêtre.
Il observe les faits et choses de la vie quotidienne ou se remémore les jours de l’enfance, le temps de la formation. À lire ces quelques pages — 15 poèmes — on regrette que le poète de Trieste ne soit pas plus traduit en français.
Paul Louis Rossi, dont on connaît le plaisir qu’il a à explorer des civilisations anciennes — on pense à La porteuse d’eau de Laguna ou aux Chemins de Radegonde — propose cette fois de suivre, avec des digressions, des expéditions depuis le XIII ème siècle en direction des Mongols. On sourit ensuite avec des textes courts sur des moyens originaux de se suicider, par exemple par balle perdue ou par auto-lapidation. On retient encore les extraits d’une pièce (Hors jeu) de Catherine Benhamou : au lecteur d’imaginer les voix et le jeu. Une suite de sonnets irréguliers de Robert Marteau (mort en 2011) rappelle que ce poète trop peu lu a publié plusieurs volumes de sonnets chez Champ Vallon ; il écrivait souvent à propos de choses vues qui, toujours, conduisent vers un ailleurs : « Un pas de plus / Et c’est un autre pays sous d’autres nuages. » Philippe Boutibonnes donne avec Disegno des « considérations sur le dessin » faussement simples : il est cependant nécessaire de les lire et relire pour comprendre, par exemple, qu’autrefois « le dessin faisait partie d’un rituel augural semi-magique (art pariétal). »
Une livraison de Rehauts contient toujours des illustrations, ici des dessins de Philippe Richard et de Philippe Compagnon. Elle s’achève, ou plutôt s’ouvre, sur des lectures, celles cette fois de Jacques Lèbre, analyses rigoureuses d’une recueil de Jean-Claude Caër, Alaska, et d’un choix de poésies de Jean-Pierre Lemaire fait par lui-même.