Tal Coat, quatre articles critiques de Georges Limbour par Tristan Hordé
Les éditions Le Bruit du temps ont publié en 2013 la totalité des écrits de Georges Limbour (1900-1970) sur la peinture*, magnifique hommage à cet écrivain trop oublié, poète et critique d’art, grand connaisseur des ateliers de Dubuffet, Masson, Giacometti, Nicolas de Staël, etc. La reprise de quatre articles autour de Tal Coat — de sa peinture et de son atelier —, accompagnés de trois reproductions en couleurs, aide à découvrir un observateur exceptionnel, amoureux de la peinture de son temps, à qui le mot de Marcel Duchamp, « Ce sont les regardeurs qui font la peinture », s’applique parfaitement.
Tal Coat s’était installé sur les collines proches d’Aix-en-Provence, comme André Masson et Yves Rouvre. Limbour voit dans sa maison un lieu ambigu, qui n’est pas sans lien avec ses tableaux : la végétation au-dessus semble en faire une demeure de l’ombre, mais la vallée qu’elle domine l’éclaire, elle est à la fois le lieu de la lumière et de la nuit. C’est la modestie, l’austérité même qui se dégage de l’atelier du peintre, ce qui s’accorde avec ses recherches ; les murs sont à la chaux, comme si rien ne devait gêner le regard. Ce dépouillement voulu est partagé, dans le même environnement, par un lithographe graveur qui travaille pour des peintres de la région.
Quand il écrit à propos des tableaux, Limbour les décrit très précisément, de sorte que le lecteur comprenne que le paysage, le rocher, le silex qui affleure, la terre du labour ne sont pas ce qui importe, mais plutôt le fait que Tal Coat peint « la substance d’objets qui, dans la lumière, perdent leur matérialité » et, ainsi, traduit une sensation. Le paysage n’est pas un spectacle, ce qui en est restitué c’est la manière dont il a été perçu, assimilé, ce sont des « mouvements de lumière » qui pourraient évoquer par leur dépouillement les dernières aquarelles de Cézanne ou, dans l’esprit, les dessins de paysages chinois.
Cependant, et Limbour l’analyse finement, les recherches de Tal Coat n’ont pas vraiment de modèle. Lorsque, pour restituer la lumière, il peint l’eau des rivières — celle de la Durance, de la Dordogne — il « anéantit l’individualité des objets au profit de l’unité de rythme lumineux ». Il y a là une tentative de donner de la nature la vision « la plus nue (…), la moins conceptuelle ».
Le livre s’ouvre sur une étude de Pierre Brullé qui analyse les quatre articles de Limbour : voilà une excellente introduction à la lecture du critique d’art et à la peinture de Tal Coat.
* Georges Limbour, Le Spectateur des arts, Écrits sur la peinture, 1924-1969, édition établie par Martine Colin-Picon et Françoise Nicol, Le Bruit du temps, 2013, 1328 p., 42 €.