Yves Boudier, POÈMES POUR LES P'TITS (qui savent lyre) par Tristan Hordé
Les éditions Lanskine sont l’un des rares éditeurs littéraires à publier des collections (Petit bric à brac, De bric et de broc) destinées aux (petits) enfants — selon les critères sociologiques convenus dans notre société. Heureuse initiative puisque des écrivains, et non des "spécialistes" de l’enfance, proposent des textes, en liaison avec un illustrateur ou une illustratrice. Parmi les derniers parus, qui ont pu retenir des lecteurs autres que des enfants, signalons Le joueur de flûte, de Florence Pazzottu, avec de très belles encres de Hugues Breton, Poèmes de près et de loin, d’Hervé Brunaux, avec des dessins de Jean-Luc Parant qui avait alors (provisoirement) quitté son immense parcours autour des yeux.
Le dernier né est une heureuse exaltation de la vie, qui a pour source formelle le vers de Gertrude Stein donné en exergue, « A rose is a rose is a rose ». Yves Boudier construit 15 poèmes sur un modèle repris dix fois " Le A… n’est pas (un(e) B) … c’est la vie". Un thème occupe chaque poème, les quatre éléments classiques depuis l’Antiquité (l’eau, le feu, l’air, la terre), des éléments liés à la naissance (la graine, le nid, l’œuf, le bébé) et à l’enfance (le corps, le pas, le jouet), la création humaine (la couleur, le son, la lettre, l’art). Par exemple :
La graine…
n’est pas
un bulbe
n’est pas
une racine
n’est pas
une plante
n’est pas
un bourgeon
n’est pas
une fleur
n’est pas
un bouquet
n’est pas
un buisson
n’est pas
un arbuste
n’est pas
un arbre
n’est pas
une forêt
… c’est la vie
Le seizième et dernier reprend le schéma, cette fois de manière positive : "La vie… c’est (Verbe à l’infinitif)"" … c’est la poésie" : « La vie…/ c’est / embrasser / c’est / naître / C’est / respirer /, etc. » ; une partie des thèmes précédents réapparaissent avec « naître », « respirer », « grandir », « jouer », « inventer », celui de la vie étant présent avec « crier », « boire », « manger », la relation affective ouvre et ferme la série de verbes avec « embrasser » et « aimer ». Le livre peut devenir un point de départ pour l’écriture : les enfants (de tous âges) choisiront aisément d’autres thèmes, proposition qui changerait heureusement des sujets imposés qui n’incitent jamais à l’invention.
Les dessins, outre celui de la couverture, signé en haut à droite "Blanche", sont réunis en double page au milieu du livre ; leur origine enfantine est confirmée par l’auteur en quatrième de couverture : « Quand un grand-père écrit pour une petite fille, celle-ci dessine ce que les textes lui inspirent (…) ». Le caractère répétitif de la forme facilite la lecture de ceux qui aiment « lyre », tout comme la simplicité du vocabulaire — sauf dans le poème "Le nid", où le terme de vénerie « gabion » surprend, mais Yves Boudier pratique peut-être la chasse au gibier d’eau. Une réussite à offrir sans limite d’âge.