22 sept.
2010
Jean-Jacques Viton, Il commento definitivo, Poesie 1984-2008 par Philippe Di Meo
Dans les échanges franco-italiens récents et concernant la poésie, il existe actuellement une notable disproportion. À l'évidence, si, ces vingt dernières années, en France, beaucoup de poètes italiens ont été traduits, on ne peut pas en dire autant pour nos voisins transalpins dont l'information date et laisse donc singulièrement à désirer. L'œuvre d'Yves Bonnefoy, bientôt éditée dans la prestigieuse collection I Meridiani (Mondadori) occupe aujourd'hui encore en tout bien tout honneur le devant de la scène. Ainsi, pour trouver une anthologie de poésie française "contemporaine", faut-il nous reporter à 1968 et à la publication de : Poeti di "Tel Quel" réalisée par Alfredo Giuliani et Jacqueline Risset pour la célèbre collection de poche de l'éditeur Einaudi.
Aussi le choix donner au public italien non un recueil mais une traduction de l'œuvre poétique de Jean-Jacques Viton constitue-t-il en soi une sorte de véritable événement.
Nous sommes mis en présence d'une anthologie représentative de 276 pages solidement bâtie, de Douze apparitions calmes de nus et leur suite qu'elles provoquent (1984) à Je voulais m'en aller mais je n'ai pas bougé (2008), soit une coupe de vingt-deux ans dans une pratique poétique d'une cohérence et d'une rigueur rhétorique sans mélange.
Poète doublé d'un critique, Andrea INGLESE a tenu à présenter son travail dans une ample préface aussi précise que précieuse qui lui permet de définir le registre et la poétique de Jean-Jacques Viton et, partant, implicitement, ceux d'un traducteur dont l'aplomb et la fidélité forcent l'admiration, même si l'italien ne présente pas de véritables épineuses résistances au phrasé du Français, à son étonnante unité de ton et de vision.
C'est cependant cette apparente transparence, tout à la fois translucide et opalescente, qui constituait un redoutable défi dans une tradition poétique, telle l'italienne, certes diverse mais si souvent spontanément encline aux marqueteries de citations claires-obscures. Car en terre italienne, le minimalisme représente une conquête plus ardue qu'ailleurs en dépit du legs du premier Ungaretti, celui du Port enseveli (1917). Souvenons-nous que lorsqu'il a voulu écrire des haïkus, ceux du recueil intitulé Météo, Andrea Zanzotto les a dans un premier temps rédigés en anglais pour ensuite les retraduire en italien tant le poids d'une riche tradition poétique lui semblait insurmontable.
Si l'espace imparti nous interdit de produire quelques exemples significatifs du rendu de l'italien, dans les tonalités de l'oralité, du familier ou des intersections thématiques, nous ne saurions faire brièvement l'impasse sur la restitution du mouvement d'écriture de Jean-Jacques Viton.
Andrea Inglese procède d'abord par comparaisons pour dégager dans un second la spécificité du travail de Jean-Jacques Viton. Il apparente notamment le travail de Viton à celui d'Elio Pagliarani tout en opérant une reconnaissance critique approfondie de son objet. Pour Andrea Inglese, l'épos du quotidien, fondé sur l'inventaire et la liste, entrepris par l'auteur de Kanaka aboutit à un "voyage entre des dimensions différentes de la réalité" et du langage". Héritier de Francis Ponge, ce dernier renonce cependant à la "frontalité" discursive si caractéristique de son aîné.
Viton sollicite alors une "véritable redéfinition des confins du poétique, surtout en relation à la poésie italienne contemporaine", se confronter à son œuvre implique la révélation d'"autres généalogies" qui, outre Ponge, nous reconduisent, entre autres, aux figures de William Carlos Williams et de Louis Zukofsky.
Le résultat de l'opération de traduction se trouve emblématiquement contenu dans un entretien que Jean-Jacques Viton a donné en 2003 : "Le texte étranger fait émerger différemment sa propre littérature et permet de travailler à l'intérieur de sa propre langue comme un étranger."
Comment alors ne pas souligner l'exemplarité de cet ensemble ?
Aussi le choix donner au public italien non un recueil mais une traduction de l'œuvre poétique de Jean-Jacques Viton constitue-t-il en soi une sorte de véritable événement.
Nous sommes mis en présence d'une anthologie représentative de 276 pages solidement bâtie, de Douze apparitions calmes de nus et leur suite qu'elles provoquent (1984) à Je voulais m'en aller mais je n'ai pas bougé (2008), soit une coupe de vingt-deux ans dans une pratique poétique d'une cohérence et d'une rigueur rhétorique sans mélange.
Poète doublé d'un critique, Andrea INGLESE a tenu à présenter son travail dans une ample préface aussi précise que précieuse qui lui permet de définir le registre et la poétique de Jean-Jacques Viton et, partant, implicitement, ceux d'un traducteur dont l'aplomb et la fidélité forcent l'admiration, même si l'italien ne présente pas de véritables épineuses résistances au phrasé du Français, à son étonnante unité de ton et de vision.
C'est cependant cette apparente transparence, tout à la fois translucide et opalescente, qui constituait un redoutable défi dans une tradition poétique, telle l'italienne, certes diverse mais si souvent spontanément encline aux marqueteries de citations claires-obscures. Car en terre italienne, le minimalisme représente une conquête plus ardue qu'ailleurs en dépit du legs du premier Ungaretti, celui du Port enseveli (1917). Souvenons-nous que lorsqu'il a voulu écrire des haïkus, ceux du recueil intitulé Météo, Andrea Zanzotto les a dans un premier temps rédigés en anglais pour ensuite les retraduire en italien tant le poids d'une riche tradition poétique lui semblait insurmontable.
Si l'espace imparti nous interdit de produire quelques exemples significatifs du rendu de l'italien, dans les tonalités de l'oralité, du familier ou des intersections thématiques, nous ne saurions faire brièvement l'impasse sur la restitution du mouvement d'écriture de Jean-Jacques Viton.
Andrea Inglese procède d'abord par comparaisons pour dégager dans un second la spécificité du travail de Jean-Jacques Viton. Il apparente notamment le travail de Viton à celui d'Elio Pagliarani tout en opérant une reconnaissance critique approfondie de son objet. Pour Andrea Inglese, l'épos du quotidien, fondé sur l'inventaire et la liste, entrepris par l'auteur de Kanaka aboutit à un "voyage entre des dimensions différentes de la réalité" et du langage". Héritier de Francis Ponge, ce dernier renonce cependant à la "frontalité" discursive si caractéristique de son aîné.
Viton sollicite alors une "véritable redéfinition des confins du poétique, surtout en relation à la poésie italienne contemporaine", se confronter à son œuvre implique la révélation d'"autres généalogies" qui, outre Ponge, nous reconduisent, entre autres, aux figures de William Carlos Williams et de Louis Zukofsky.
Le résultat de l'opération de traduction se trouve emblématiquement contenu dans un entretien que Jean-Jacques Viton a donné en 2003 : "Le texte étranger fait émerger différemment sa propre littérature et permet de travailler à l'intérieur de sa propre langue comme un étranger."
Comment alors ne pas souligner l'exemplarité de cet ensemble ?