Soleil patient de Gabrielle Althen par Matthieu Gosztola
« La vie, cette étrangère, serait notre enfant nue. » Vivre, n’est-ce pas être en prise avec le voyage ? Et souhaiter ce lien (insécable) de tout son cœur ? N’est-ce pas avancer ses mains, « le calme épris du jardin de [ses] mains », vers l’inconnu ? « [I]l y a des mains qui rêvent aux marges du voyage ». N’est-ce pas se tenir tout entier dans cette écoute ? « On jettera dans le froid les mains qui n’ont pas écouté ».
Aussi tout voyage est-il ce cheminement (intérieur, avant d’être un trajet extérieur) qui nous fait quitter le ciel pour trouver (non retrouver mais trouver) notre tiédeur. « Le ciel en vain s’argente / Avec des oliviers sans intentions ». « Le ciel est pierre parmi les pierres ». « Tesson contre le vent qui court, ce ciel a la main froide, et je rebrousse chemin et vais vers ma tiédeur qui est ma liberté tenue vivante, comme un oiseau dans une main. »
Ma tiédeur, votre tiédeur, notre tiédeur : l’amour. « Es-tu rencontre ? » « Et le oui antérieur à [notre] geste de vivre ». « Ne laissons pas filer le cœur », prévient Gabrielle Althen.
Parce qu’on n’est pas « à [s]a place dans l’abri de [s]on cœur » (suivant l’adage rilkien : ce qui nous sauve, c’est d’être sans abri), retrouver le ciel (le trouver non, le retrouver) en allant à la rencontre de l’autre ; de l’autre désiré, puis aimé : « [n]os corps sont des colombes ». « Un baiser musicien tourne en rond sous le nuage / Le val est vert et la saison profonde / Tu dis que c’est pour rien ». « Je voudrais que les regards soient anges ». « Des baisers s’enchaînaient dans les replis de l’air ». « Nous sommes bouleversants ».