A trois sur le qui-vive de Séverine Daucourt-Fridriksson par Matthieu Gosztola

Les Parutions

10 mai
2013

A trois sur le qui-vive de Séverine Daucourt-Fridriksson par Matthieu Gosztola

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David Banon avance dans La lecture infinie. Les voies de l’interprétation midrachique :

« La lecture, aux yeux de Hölderlin, n’est pas le dégagement d’une signification jusqu’alors cachée, mais qui resterait pourtant immanente au texte, et lui appartiendrait dès l’origine ; elle est l’accomplissement de possibilités d’avenir déposées dans la béance d’un texte qui, fût-il parfait, n’en reste pas moins, en son être le plus intime, "inachevé" ». À trois sur le qui-vive illustre parfaitement, de bout en bout, cette définition de la lecture.

Éclair dece livre : « une cuisse sur le lavabo traînée luisante son corps réduit à un / simple appareil ». Mais attention : le texte n’est pas là pour dire le sexe. Le texte devenu béance, devenu sexe. Et c’est de la langue qu’il est question, en définitive, quand Séverine Daucourt-Fridriksson écrit : « soyeux ou acrylique le trou acrobate contorsionné par l’envie / pressée d’attraper contracté jusqu’à sa parfaite dérobade à la criée ».

Les possibilités d’avenir déposées dans la béance du texte ont toutes trait au chant, pour l’auteure. Mais le chant n’a pas trait à la langue : « chanter c’est pas dans la voix ». Le chant a trait au sens, cette lumière humaine qui se déploie intérieurement à partir d’un texte, se déploie, se déploie. « [C]hanter […] c’est dans la réponse à la lumière qui / est en soi dans la chanson ».

Découverte de l’auteure muée en livre : le sens est notre humanité, et n’est pas ce qui surgit d’un texte. C’est nous qui avec notre humanité transformons la langue, la couchant sur le papier, en sens qui peut se répercuter en nous, de strate en strate, tant il est vrai que nous sommes faits de strates. En sens qui en se répercutant en nous constitue notre humanité non plus comme un point de départ, dont nous pourrions nous défaire dans une recherche d’absolu comme ce fut le cas par exemple avec les symbolistes et les post-symbolistes, mais comme un devenir. Non comme un point d’arrivée, car l’humanité n’a pas d’arrivée dans son déploiement, l’humanité étant, pour l’auteure, de la lumière devenue du temps, mais comme un point d’éternité (et l’auteure de tisser secrètement une filiation avec les surréalistes).

« [R]ester dans le / bon ordre des intervalles comme en musique en soi-même » ; afin de donner à entendre le sens par-delà l’impact des vocables sur l’ouïe intérieure, l’auteure conjugue des intervalles, faisant de chaque page une partition qui trouve dans le signe typographique et le blanc (et, mais dans une moindre mesure, l’italique) les ressources nécessaires pour que la lumière de notre humanité surgisse du fond de la page, puisque c’est nous qui la modelons, à mesure que nous sommes en prise avec le mystère du vivant, faisant l’élocution de notre ipséité, lisant. À mesure que nous sommes en prise avec le mystère d’À trois sur le qui vive. « [Q]uelque chose      tu sens s’insinue / dans     l’entre / pour        sentineller sur l’étendue [...] ».

 

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