Revue Sarrazine N°23 par Christophe Stolowicki

Les Parutions

19 nov.
2023

Revue Sarrazine N°23 par Christophe Stolowicki

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Revue Sarrazine N°23

 

Sujet peu expédient par nos temps de saturation planétaire, au commencement était le vide (le Verbe ?), ou représentations du vide, sujet de rédaction auquel participent de nombreux élèves du lycée Racine, et dont se sont emparés, à rebrousse-pile-poil de leur trop-plein de vie au filtre de leurs mots, trois magnifiques écrivains.   

 

Bruno Normand dont la poésie, adressée à « l’ami », rebondit de blanc en blanc que lui ouvre la page, non à coups de dés exaltant le hasard, mais par un éclatement de sa profusion qui « embrase tout ce qui est ». Trop-plein, celui d’Empédocle, qui le fait résonner où la tiède raison trouve confirmation du boson de Higgs. Bruno Normand qui donne de soi sans trêve, qui « vien[t] de “perdre” [s]a petite mère (ou / de gagner / au vu d’une lucidité accrue depuis son départ) », lucidité d’une « chair invisible c’est / chair de la Lumière dans la Lumière », creusant la blessure la plus rapprochée du soleil. Un auteur de sensualité si masculine par ces temps défectifs, qui salue ici, « clin d’étoile sur clin d’étoile », trois poètes filles figurant à son panthéon, où tant d’hommes qui n’y en ont aucune se nombrilisent dans l’entre soi.

 

Un « Vide » ajourant la page comme on respire, et nous « éblouissant ».

 

Sylvia Marzocchi dont « le gris se nacre de pourpre », « d’azur et d’ardoise / le ciel sans sourciller / effeuillé par le vent », nous entraîne de tercet en tercet lui tenant ici lieu de la terza rima qui fonde sa poésie natale, l’un de nos hauts-fonds. Ou « le terrain vague de l’entre deux / rien pour vous ressembler / sinon un néologisme », à ne pas prendre à la lettre de cet écrivain migré récemment habité par le compagnonnage séculaire, ultramontaines laissées derrière lui une langue et une vie à deux, « dans la fraîcheur d’une langue nouvelle / vivace dans ce maintien balbutiant », par une « femme au croissant de lune / le cœur fendu d’une piscine / au bord bleuté de tes yeux ».

 

Sa probité brille au travers d’anciennes larmes. Le trop-plein de son vide de désuétude amoureuse éclate dans la coda d’un silence anaphorique : en « la sensualité d’un silence […] le laps d’un silence […] un silence qui butine l’extensibilité du silence […] le silence du silence des lèvres scellées sur un silence intérieur […] l’angoisse silencieuse […] un silence sec en silex ».

 

Gilles Weinzaepflen, son Quart Vide (emblème supposé de la reine de Saba) tel un Quart Livre, est parti sur les brisées du poète pour une prouesse en retard dans l’Abyssinie des jours non-ordinaires, insolites exsangues de soleil chauffé à blanc, dans ce Yémen en ébullition où, flanqué d’un aveugle, il doit prendre en stop deux hommes armés de kalachnikovs avec qui les échanges se font par signes – entre le reportage de guerre et le port d’un passé quarante fois séculaire, comme disait Napoléon.

 

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