nous les perçants, de Maryvonne Coat par Christophe Stolowicki

Les Parutions

10 déc.
2024

nous les perçants, de Maryvonne Coat par Christophe Stolowicki

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nous les perçants, de Maryvonne Coat

 

« nous disons le lointain par cœur ». Pour ce seul vers je donnerais plusieurs volumes de Platon, mais pas Le Banquet.

 

nous les perçants : un titre dont un homme devrait se garder. Mais aux filles tout est permis.

 

Nous les perd sang – elle ne l’a pas volé.

 

« nous les perçants / paupières disparues à l’arrière des globes// optent pour le bien de tous prennent soin d’épargner à chaque un / le moindre questionnement ». Dès les premiers vers de la première double page, à gauche toute « nous les perçants » s’accorde à la troisième personne d’un féminin pluriel que l’on comprend vite être le sujet du livre, tandis que page de droite, le souffle bientôt prenant son essor (« nous autres […] émancipons l’espoir celui qui stagne dans les nappes phréatiques » (entre le latin et le grec, entre fervere et phrear puits, phréatique a même étymologie indo-européenne que ferveur), la poète laisse libre cours à toute sa sensibilité.

 

Se reprenant bientôt quand derechef « nous s’aliènent ».

 

Le sujet de cette plaquette est le féminin pluriel. Ayant cru apprendre dans ma jeunesse que les femmes n’existent pas, qu’une fille est toujours singulière, je reçois d’autant plus volontiers cet enseignement que la poésie de Maryvonne Coat (née en 1967) n’est didactique qu’à clins de trope, silences et déboîtements plus parlants que des discours, ses ellipses mettant les deux points sur l’epsilon.

 

« à leurs ceintures des trousseaux de mots-clefs »

 

Parfois, page de droite, « nous autres rejoignons tous ces endroits sombres où la nuit peut renaître », et même « l’un de nous […] aimerait faire le voyage seul », adopté le masculin générique de l’homme comme espèce, cet homo en danger de mort, de dissolution – un bon sens de poète la gardant de toute écriture inclusive. Et ce qu’il faut bien nommer son féminisme (« nous grandissons poussés par le souffle de nos maîtres envers offerts coudes empoignés marionnettes […] // nos frémissements étalés […] racontent le plus craintif des murmures à l’endroit des nuages ») acquiesçant à sa féminité à l’encontre de sa raison.

 

Hélas, femmes devenues « les perçants », les hommes ne sont plus que « nos vieux [qui…] psalmodient des fragments de vie que nos rues mettent au monde ».   

  

nous les perçants un chef d‘œuvre que je désapprouve de tout mon passé révolu.

 

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