Drames à venir, de Pierre Andreani par Christophe Stolowicki

Les Parutions

12 nov.
2024

Drames à venir, de Pierre Andreani par Christophe Stolowicki

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Drames à venir, de Pierre Andreani

 

Pris par le travers d’une explication parce qu’en « l’an deux mil vingt-deux il fallut / pour honorer la lyre / sensibilité de haut babil », parce qu’au « mercato de l’hôpital psy / on dirait du pain de mie / gonflé d’eau de vaisselle » – la folie décapée de tout son romantisme, voire de son surréalisme, on entend un ton, un son résolument nouveaux. Drames à venir ? Les collectifs peut-être, le drame personnel loin derrière lui, Pierre Andreani (né en 1983) nettement au milieu du gué.

 

La cigarette qu’allumait l’écrivain, le poète, n’est plus qu’un paquet de clopes. Le poète clopin cheminant, clampin donnant donnant, le rideau de fumée se dissipe, une nouvelle génération a émergé.

 

« je ronge toute, plains, compatis / à lourde contrainte d’habiter la posture ». Chez Pierre Andreani, par bouffées, chaque mot chargé à mitraille.

 

« segmente en états : / images qui retournent le sens / fontaine de soupe à mamie ». Hormis ceux qui l’ont payée de leur vie tel Guy Viarre, aux dernières décennies manque cette brièveté, qui a ici sur le surréalisme historique l’avantage de ne pas exclure images et sujets  que Breton jugeait indignes de figurer dans un poème, tous se pliant à son ukase. 

 

« tes mains sont prises / dans un trousseau de bagues vernies, / première encagée, grandesse qui règne / sur le bon, le certain, le démontré ». Le grand écart de registres, comme sous l’effet d’une loupe, s’est rétréci, rétracté jusqu’à une chute que ne renierait pas Ducasse et qui résume un long train de ses Poésies.

 

Poèmes à lire très lentement pour suivre les aléas du sens, et s’y méprendre fructueusement – à relire d’un grand jet de langue qui en rende l’ahan. Tels ces microcosmes à découvrir sur les immenses aplats par grand soleil de l’âge le plus créateur de Dali.

 

Un « concert au piano […] //dans un abri anti-ploucs […] / jamais n’ai entendu pareille / fredaine en adjectif » – une syntaxe de piano, violons, que fredon malmène, en hommage à la femme aimée, sans la pudeur qui ébarbe l’anti-politiquement correct.   

 

« tu sècheras ta langue nouée / prendras racine à l’endroit / en guerre contre le sens ». Mais il a beau balancer « miettes et scarabées / croûtes, vermicelles // […] riz mi-cuit, en sauce / ragoûtant beurre, vieux brouet », le sens, les sens, l’essence résistent à l’assaut d’épluchures, de peluche hure laissée au grenier par Winnicott.

 

Une photographie de cri hérissé court de première en quatrième de couverture, les rabats y aidant. Autoportrait peut-être.

 

« long drap vaporisé de rosée / sudorifère vêture je portais », ou « c’est étrangement sourd quand je crie / quand je m’explique sur mes songes », ou « c’est insupportable cet / aller-retour permanent entre / l’avant et l’arrière des choses ». Cette poésie a un son, un rebond masculin comme il n’était plus permis.

 

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