La mort n’est pas une raison d’être, de Peter Hart par Christophe Stolowicki
Scandés en hard rock, que ce soit sur un mode vertical ou en barres obliques (ce que dans mes citations on ne pourra distinguer), une suite de poèmes de formes contrastées à outrance, à outrecuidance, balade notre regard du plus disjoint au plus compact ; manifestement il n’en émerge pas de pensée notoire mais l’évidence – mettez tout ça à plat pour voir – que seule la poésie, la plus antipoétique et aporétique, répond aux urgences en impasse où l’homme se débat. Il n’est de prise de parole qu’en performance. Immense et je comprends pourquoi, en réponse à quoi la rime ne me lâche pas : mon tempo se relâche à l’avenant.
De l’incommunication : « Il y a la nuit sans fin / Le jour indéfini / Les lois générales / Le commencement / L’exil / Et la structure // Mais entre nous / Il n’y a / Rien ». À L’exil et le royaume un tour de clef, un effet de scanner du siècle nouveau.
La langue prise à bras le corps. Satan y reconnaîtra les siens.
« Présent / En tant que nature / Nature / En tant qu’absence / Absence en tant / Que définition provisoire / Du vécu » : le fragmenté vertical donne le mouvement d’une pensée qui tient en haleine son souffle aussi court que long ; aussi long que les pensées sont courtes.
« Ne pas / Pouvoir / Le pouvoir de / Ne pas / Pouvoir / Le pouvoir / Que le présent / S’accorde / Quand il n’y a / Rien d’autre / Le pouvoir / De rien / D’autre/ Le pouvoir / Accablant / Du présent » perpétuel tient à son seul tempo de hard rock.
En contrepoint de Breton et de ses prolégomènes, un poème (« L’oubli est trop réel / Le néant est trop réel / Le souffle est trop réel / La conscience est trop réelle / […] Le sommeil est trop / Le repos est trop / Le confort est trop réel / Le matelas est trop / Le parquet est trop / Le murs sont trop réels / […] L’instabilité intrinsèque est trop réelle ») sur le trop de réalité. En un siècle, coincé dans la foule compacte, l’homme a perdu tout recul sur lui-même.
Car « un ragout / D’étoiles et de nuages » ne nous présage pas grand avenir quand « La terre abandonne / Tout espoir en mordant / Ses propres racines », et qu’il est impossible de trouver « Le sommet / Au summum / Du sommeil », sommet de clairvoyance, fin fond de déréliction, sans que nous lâche ce rythme binaire de fracture de notre être du hard rock et de l’omniprésence d’un écran.
Seul l’humour ravageur du titre de poème « PENSÉE ÉMOTION / COMPORTEMENT » dévoyant les manuels de philosophie nous donne à croire que La mort n’est plus une raison d’être.
Peter Hart, 34 ans, né dans la banlieue de Toronto, a choisi de vivre à Marseille. A fondé un Collectif du Contre-Déterminisme, comme si l’indéterminisme ne suffisait pas. En projet, un collectif aléatoire d’improvisation bruitiste, comme si le hard rock ne suffisait pas.