Sans titre de Geoffrey Squires par Matthieu Gosztola
« Nous passons la main sur le poème et touchons à peine ce qui affleure, il y avait un monde ici », écrit justement François Heusbourg dans sa belle préface.
Ce qui reste n’est que
Est
Ce qui reste se tient
Pour se tenir si peu
Ce qui reste
Nous parle
Avec la disparition
Il y a les arbres
Bien sûr
Mais qui sont-ils
Pour être arbres
Et se tenir
Toujours se tenir
Invariablement (mais la main de l’homme)
Aussi
« Trouver des histoires à ces arbres / narratifs dans leur feuillage / une raison à la densité // peu de choses résistent à l’interprétation / se défendent avec succès / contre la compréhension »
On ne peut pas
Être sans être peuplé
D’histoires
: Sans être
Chacun
Un peuple
De mots
Avec tous les silences
Qui font
Que parfois
Il semble qu’il n’y a jamais
Eu
Le moindre mot
Réel
: « et après ça // les silences déposés / comme dans une longue ligne / sans un mot »
Chercher à dire
Les mots réels
Ceux qu’on devrait (il le faudrait)
Poser sur les choses (même les moins importantes)
Pour les faire
Apparaître
: « Ce sont de petits endroits / qui ne méritent pas de nom // certains affleurements ou monticules / l’espace entre deux champs // et personne n’a songé à les nommer / à leur donner un nom / par lequel nous pourrions les connaître / nous souvenir d’eux »
Les choses sont
Elles sont
: « regarde c’est ainsi »
: “se this is how it is”
Elles sont
Ce qui veut
Dire
: Elles-sont-dans-leur-singularité
Qui nous fait intimes avec le monde ?
Qui nous fait proches avec ce qui du monde
Nous touche (par le détour que fait notre pensée souvent) ?
Oublier
Elles sont
Ce qui veut dire
Qu’on ne peut pas
Les saisir
Et qu’il n’y a pas de logique
À ça
: « C’est une erreur de penser / que chaque moment devrait bien finir par être // une chose découlant d’une autre // descente encore une fois / où le chemin mène // vers de petits bois et une eau secrète / et tout est tout autour / là intime proche // alors nous nous arrêtons perplexes / incapables de nous en saisir »
Regarder
Lire
Geoffrey Squires
Et nous regardons
Avec attention
Les disparitions
Que sont
Les poèmes
: « et nous suivons les petits échos »
Ensuite
On est renvoyé
À ce qui est la solitude
De notre
De nos
De « je »
: « Comme nous parlons peu dans le noir / presque comme si nous avions peur / ou que cela voulait trop dire était trop important / ou que quelqu’un nous écoutait / comme si nous pouvions être entendus »
On est renvoyé
Pour
: Pour le « passage du soleil
À la fraîcheur »
: Pour le moment où
Je
Et « nous »
: « Passage du soleil à la fraîcheur // et l’air à l’intérieur comme un marbre / sur le visage les épaules nues // dans la soudaine obscurité de la chambre // une brise chaude fouille les rideaux / le bruit de la mer la mer / où tu où je où nous »