Pierre Courtaud, deux images par Éric Houser
En pensant à Pierre Courtaud, qui vient de mourir, je ressens de la peine. Je savais qu'il était malade. Je ne savais pas qu'il était au bout. Je ne l'ai pas vu, ni entendu, malade. Je l'ai vu chez lui, à La Souterraine, il y a quelques années. Deux fois. Je n'habitais pas très loin. Moi dans le Cher, lui dans la Creuse, deux départements limitrophes. J'avais pris la voiture. Une voiture rouge, dans tout ce vert de la Creuse. Je ne fonçais pas, je m'enfonçais dans le paysage. Un chauffeur de poids lourd (le chauffeur d'un poids lourd) m'indique la direction, je me souviens d'une petite montée, puis d'un secteur plat avec maisons espacées, jardins. Je rentre dans l'allée, Pierre Courtaud m'accueille. Ce mot est à souligner. Je revois une chemise blanche, un corps de taille moyenne vif, pas malade. Accueillant par geste, par parole, par sourire et entrain. De la tête je dirais qu'elle est bonne, je la vois profondément bonne. Sans rien de caché : la clarté. Un pétillement d'yeux, et plissement de paroles tout à fait choisies, adressées. Nous rentrons dans la maison, j'ai un souvenir de bois (meubles ou boiseries), de calme et rangement. Là je pense à Récit d'une petite mort blanche avec les objets qui l'accompagnent, à cause de rangement. Assis chacun dans un fauteuil, nous parlons, peut-être deux heures. De beaucoup de choses mais surtout de livres, d'écriture, de Gertrude Stein, de John Cage, de chiens qui ont séjourné ici. Mobilité, vitalité, ce sont les mots qui viennent sans hésiter quand je repense à ces visites (la deuxième était tout à fait semblable à la première, avec le plaisir d'une habitude qui naît). Un courant animé passant entre deux têtes parlantes. Rires souvent. Et à propos de maladie, puisque Pierre Courtaud était malade depuis longtemps, il était traversé, je veux seulement dire à quel point apparaît nettement, en sa personne, le lien entre la « petite santé » et la vitalité (je me répète) d'un homme qui ne lâche pas. Comme Gilles Deleuze en a parlé quelque part.
C'était la première image. La deuxième est sonore uniquement. Au téléphone, un temps assez long (peut-être une demi-heure ou un peu plus), Pierre Courtaud me raconte son travail prolongé de traduction d'un roman de Gertrude Stein, et en écrivant ce mot, travail, j'ai conscience que ça ne va pas trop, comme mot. C'est d'une infusion amoureuse, et je dis même d'un érotisme total, qu'il s'agit dans ce rapport d'un texte à l'autre. Il y a une intensité vibratile terrible, une joie dans ses propos tellement proches du nerf des choses, en l'occurrence un texte qui ne laisse pas de mettre à mal celui qui s'y colle de la sorte, de provoquer toutes ses ressources d'invention et de faire fond sur son intelligence formelle, sexuelle aussi, pour « trouver la sortie ».
…ric Houser
C'était la première image. La deuxième est sonore uniquement. Au téléphone, un temps assez long (peut-être une demi-heure ou un peu plus), Pierre Courtaud me raconte son travail prolongé de traduction d'un roman de Gertrude Stein, et en écrivant ce mot, travail, j'ai conscience que ça ne va pas trop, comme mot. C'est d'une infusion amoureuse, et je dis même d'un érotisme total, qu'il s'agit dans ce rapport d'un texte à l'autre. Il y a une intensité vibratile terrible, une joie dans ses propos tellement proches du nerf des choses, en l'occurrence un texte qui ne laisse pas de mettre à mal celui qui s'y colle de la sorte, de provoquer toutes ses ressources d'invention et de faire fond sur son intelligence formelle, sexuelle aussi, pour « trouver la sortie ».
…ric Houser